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Le seul énoncé de cette morale était le plus grand espoir de bonheur qui eût jamais lui sur le monde. L’effort, accompli depuis lors pour substituera l’erreur des crédulités, à l’inimitié des races et à l’égoïsme des passions cette morale civilisatrice, est devenu le grand fait de l’histoire. Depuis le Christ jusqu’à l’heure présente, il s’est à travers les siècles continué sans arrêt par l’apostolat.

L’apostolat n’a pas cessé d’avoir une double tâche : répandre la vérité chez les peuples qui ne la connaissent pas encore, la maintenir chez ceux qui l’ont reçue. Les deux œuvres sont solidaires, et c’est la surabondance du christianisme qui se verse des pays chrétiens dans les pays infidèles. Que la charité du zèle ou la pureté de la doctrine diminuent dans les premiers, les autres ne recevront plus la vie morale que d’une source troublée ou tarie. L’histoire de l’apostolat est donc l’histoire de l’Église elle-même.

Un juif a annoncé trois ans une doctrine qu’il nomme la bonne nouvelle dans quelques villes de Judée. Accusé par la puissance sacerdotale, condamné par la puissance politique, il est mort sur une croix aux applaudissemens de la multitude. Ses disciples étaient assez peu nombreux pour tenir avec lui dans sa barque de Génésareth et autour de la table où il prit son dernier repas. Ces douze hommes, parmi lesquels s’est trouvé un traître, étaient par leur pauvreté et par leur ignorance des hommes de rien dans leur propre pays. C’est à eux que le supplicié avant de disparaître a, d’un mot qui enveloppe le monde, légué les nations.

La docilité des apôtres n’est pas moins surprenante que la parole du maître. Dès qu’il les a quittés, ils se dispersent, certains de se rapprocher de lui par les routes de l’obéissance. Et l’impossible conquête est commencée.


ETIENNE LAMY.