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sont pris d’assaut, car les premiers occupans seuls y trouveront place. Les manifestations en faveur des candidats ont déjà commencé. Partout, suspendus d’une rue à l’autre, leurs portraits sont signalés à l’enthousiasme des foules. Des processions gigantesques pendant le jour, des retraites aux flambeaux pendant la nuit se succèdent en leur honneur.

Aucun mode de réclame n’est dédaigné. En 1896, à Saint-Louis, « des hommes-sandwiches » portant sur leur dos et sur leur poitrine deux figures allégoriques montrant d’un côté l’ouvrier sous le régime du bill Mac-Kinley, de l’autre le même ouvrier sous le régime des tarifs démocratiques, le premier gras, élégant, heureux, le second hâve, déguenillé, misérable, circulaient sur le passage des délégations, les conviant sous cette forme suggestive à voter pour l’apôtre du protectionnisme. On sait, d’autre part, que la ressemblance, plus ou moins problématique, de M. Mac-Kinley avec Napoléon Ier a été un des grands moyens de propagande imaginés en 1896 par les promoteurs de sa candidature. Il est douteux qu’au temps de son omnipotence, le fondateur de la dynastie impériale ait été plus souvent représenté sous la redingote grise et le chapeau légendaires avec lesquels il est entré dans l’histoire que ne l’a été aux États-Unis pendant toute cette période le candidat du parti républicain.

Nous n’avons assisté jusqu’ici qu’aux manifestations de la rue et nous n’avons vu encore que le décor extérieur de la Convention. Nous allons pénétrer maintenant dans la salle des séances avec les quinze mille spectateurs qui vont s’y entasser pendant les cinq ou six jours, souvent plus, que dureront ces assises politiques.

Les plus ardens en ont franchi les portes dès l’aube et n’en sortiront que le soir si, comme c’est souvent le cas, deux réunions successives ont eu lieu dans la même journée. Quelques-uns auront payé 30 ou 40 dollars le droit d’entrevoir dans un lointain poudreux les illustrations du parti et de prendre part aux démonstrations tapageuses qui souligneront leurs discours. De ces discours les privilégiés placés à proximité de l’estrade officielle auront pu seuls entendre les passages essentiels ; les autres applaudiront ou siffleront de confiance. Quels que soient en effet les poumons de l’orateur, il est de toute impossibilité que sa voix puisse remplir une enceinte d’aussi vastes dimensions.

Les délégations des quarante-cinq États, bannières et musique en tête, ont fait successivement leur entrée au milieu des vivats