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ensemble merveilleux que celui des collections de son pavillon. Il n’existe pas, au monde, de pièces d’armes comparables à celles que le comte de Valencia a disposées dans les six vitrines de rez-de-chaussée et de l’étage. Cette sélection, dans les objets d’un musée tel que l’Armeria de Madrid, suffit à prouver le goût de son directeur. Le comte de Valencia est trop connu parmi les archéologues et les artistes pour que j’aie à le présenter ici. Mais je dirai, je répéterai plutôt, pour l’avoir souvent énoncé ailleurs[1], que, sous sa direction, l’Armeria de Madrid a subi une métamorphose complète. Cette galerie peut et doit être prise désormais comme le modèle qu’il convient d’imiter ; et nous devons appeler à grands cris le jour où toutes nos armes, aujourd’hui dispersées en divers locaux, seront montées et présentées dignement, comme celles du Musée de Madrid. De celles-ci, le comte de Valencia nous a apporté les parties les plus remarquables, casques et boucliers. Et la marquise douairière de Viane, avec une libéralité en tout point admirable, a confié à la France quatre pièces capitales : la tunique, les épées et la dague du roi maure Boabdil. Tout, dans le pavillon de l’Espagne, vaut qu’on s : y arrête ; la vitrine de Boabdil mérite une très longue station. Pour employer une expression triviale, qu’une certaine école, soi-disant littéraire, a mise à la mode, on y voit une tranche de vie, on y lit surtout des pages et d’histoire politique, et d’histoire de l’art. C’est la notion élargie de l’archéologie. Les choses parlent. En nous permettant de philosopher devant les dépouilles du vaincu de Lucena, la dame d’honneur de la reine régente nous a donné le plaisir le plus rare comme le plus délicat.

A considérer cette robe de velours à manches larges et courtes dans sa coupe archaïque, on comprend, d’une fois, ce semble, l’économie de l’Espagne à la fin du moyen âge. Tout, dans ce vêtement vermeil, est étranger à la Péninsule. Le velours à fleurs vient d’Asie Mineure ou de Lucques, la passementerie est sans doute arabe, la coupe est peut-être asiatique, ce semble. Ma première impression, devant cette relique du XVe siècle, fut de reconnaître une de ces robes comme j’en ai tant vues dans le Sind ou à Mascate. Mais je crois que cette impression est un peu inexacte et que la tunique de Boabdil est tout bonnement une saye d’armes, comme on disait alors, et que les hommes d’armes

  1. Les Musées de Madrid, Paris, 1896 ; in-4o, p. 210.