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Stuart. Une tradition s’est établie d’après laquelle la reine douairière d’Ecosse, après la mort de François II, aurait donné cette armure à Henri d’Angoulême, ce bâtard d’Henri II qui assassina, à Aix, Altoviti, général des galères de Marseille, et tomba frappé par la dague de sa victime. Le Grand Prieur ne survécut pas à sa blessure, et son cabinet fut mis au pillage. Le harnois royal tomba entre les mains de François de Vintimille. C’est dans le château de Luc, appartenant aux Vintimille, qu’il fut trouvé lors des saisies nationales de la Terreur. Une autre tradition veut qu’il ait appartenu à un Montmorency. Il est difficile d’en juger nettement, car on n’y trouve, à vrai dire, aucun caractère d’époque. A ne considérer que l’armet, on est frappé par le profil camard de la ventaille, la petite hauteur de la crête, l’ampleur du gorgerin, la mièvrerie des torsades très serrées qui ourlent les pièces. Ce dernier signe est un des plus précis que nous possédions pour juger de la date d’une armure. Plus le cordon est large et saillant, plus ses torsades sont espacées et obliques, plus l’objet est ancien. Ici c’est tout l’opposé. La première impression que donne le harnois de Draguignan, avec ses larges cuissots, en écrevisse, réunis directement à la gouttière du plastron sans l’intermédiaire habituel de la braconnière, avec ses gantelets à gardes évasées, avec son armet camard et à crête surbaissée, est celle de l’époque d’Henri III, sinon d’Henri IV. Peut-être cette armure de parement a-t-elle été remaniée. Quoi qu’il en soit, on peut dire, sans grande chance d’erreur, que c’est un travail français, mais un travail extrêmement médiocre, si l’on s’en tient à la qualité du destinataire. Le roi François II se contentait de peu. Les bandes longitudinales, gravées à la damasquine, avec fonds sablés, portent des casques héraldiques sans caractère, des masques à voiles retombant, sans originalité, car ces derniers ont été copiés sur les poncifs les plus vulgaires qui traînaient dans les ateliers du XVIe siècle et chez les armuriers, et chez les orfèvres, et chez les relieurs. Ces bandes sont dorées et en tout semblables à celles de ces corps d’armures courans que l’on nommait vulgairement « cuirasses de Pise, » parce qu’on les recevait, par quantités, d’Italie. La médiocrité, la confusion des sujets y appliqués les ont fait nommer aussi « armures à crapauds. » Dorés aussi sont les ornemens profondément gravés en creux qui courent sur les entre-deux. Rien de particulier n’est à noter dans ce harnois dont la provenance « historique » est même incertaine.