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boue, dont chaque grain est un être vivant. Chacun de ces infiniment petits possède une carapace solide, de forme élégante, ouvragée de trous et d’orne mens divers. La matière vivante, — protoplasma et noyau composant la cellule, — occupe l’intérieur de cette enveloppe squelettique ajourée, et peut pousser des prolongemens filiformes à travers ses orifices. Il faut ajouter que ce corps cellulaire est chargé de granulations, d’une couleur verte ou rougeâtre, comme les feuilles des plantes. Et ce sont en effet les mêmes granulations de chlorophylle que l’on trouve chez les végétaux. On sait que la granulation chlorophyllienne constitue l’élément le plus caractéristique des parties vertes des plantes ; elle leur permet d’utiliser les rayons lumineux pour s’alimenter au moyen de l’acide carbonique du milieu ambiant.

La lumière est donc une condition essentielle de l’existence de ce revêtement végétal qui peut être comparé à une sorte de prairie ou de pâturage sous-glaciaire. Pendant l’hiver, la glace s’épaissit et se couvre d’une neige, tout d’abord impénétrable à la lumière. A la longue, la condition s’améliore un peu ; la neige se durcit et devient un peu plus transparente ; mais la lumière filtre encore difficilement sous le pack : les diatomées ne se développent pas. La végétation s’appauvrit ou disparaît. Comme les prés reverdissent au retour du printemps et de l’été, de même en est-il de la prairie marine sous-jacente au pack. A l’arrivée de la belle saison, la glace de mer s’amincit ; elle se crevasse et se couvre de chenaux nombreux par où pénètrent les rayons lumineux, générateurs de la vie végétale. Le développement des algues cellulaires reprend avec vigueur ; la luxuriante végétation des diatomées s’étale, à nouveau, sous la glace.

Les naturalistes de profession seuls ont intérêt à pousser plus loin l’étude de ces diatomées antarctiques. Les genres auxquels elles appartiennent ne sont pas nouveaux et particuliers à la région. Les plus richement représentés sont les Chorethron, Chœtoceros et Coscinodiscus. On peut laisser de côté ces détails. Ce qu’il importe de bien comprendre, c’est le rôle fondamental de cette végétation. Ce n’est pas sans raison que nous avons comparé cette couche verdoyante à un pâturage. Grâce à elle, comme le dit M. Racovitza, la banquise, au lieu d’être un désert effroyable et stérile, devient une immense prairie flottante. Une prodigieuse quantité de petites espèces animales y trouve sa