Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/695

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avaient visité, les premiers, les régions australes : le trait qui les avait frappés, chez ces oiseaux bizarres, c’était l’abondance de leur graisse (pengüie). On a continué à les désigner par ce nom de pingouins, dans toutes les langues de l’univers, excepté dans la langue scientifique et excepté aussi dans la langue française, qui ont montré ici un égal souci de la précision. Les voyageurs arctiques, en effet, ne tardèrent pas à rencontrer, dans les régions glacées du Nord, d’autres oiseaux, semblables par quelques traits aux précédens, mais en réalité différens, auxquels ils donnèrent le même nom de Pingouins. Il y eut ainsi des Pingouins du Nord et des Pingouins du Sud.

Les naturalistes français du XVIIIe siècle, en examinant ces animaux avec plus de soin, s’aperçurent qu’ils constituaient des espèces tout à fait différentes. Ils réservèrent, en conséquence, le nom de Pingouins aux espèces du Nord, qui forment la famille ornithologique des Alcidés, et ils baptisèrent « manchots » ou « gorfous, » ceux du Sud qui, zoologiquement parlant, constituent la famille des Impennes.

Les uns et les autres sont incapables de voler : ils sont exclusivement nageurs. Leurs ailes sont réduites au rôle de nageoires. Mais cette transformation est poussée plus loin dans la famille des manchots que dans celle des pingouins. Le membre antérieur n’a plus figure d’aile : c’est un court moignon, revêtu d’écaillés, en guise de plumes. Leurs pattes sont implantées si loin en arrière du corps qu’ils ne peuvent se tenir en équilibre qu’en se redressant et prenant une position presque verticale. La station debout est leur attitude habituelle sur la banquise et sur le sol : ils la conservent même en couvant. Leur corps repose solidement sur une sorte de trépied, formé par les deux pattes et la queue. Ils ont ainsi beaucoup de stabilité. Leur véritable élément, c’est l’eau. Us nagent, enfoncés jusqu’au cou, avec une merveilleuse rapidité. Ils plongent, avec facilité, pour aller chercher leur nourriture dans les bancs de petits crustacés et de mollusques qui peuplent les eaux sous-jacentes à la banquise.

Les hôtes de la banquise arctique, les pingouins (alca) véritables, sont en quelque sorte moins spécialisés que les manchots pour la vie dans les eaux glacées. Leurs ailes portent encore quelques plumes rudimentaires ; les pattes sont rejetées moins loin en arrière ; la station est plus oblique, le corps moins droit. Chez certaines espèces, le vol est possible.