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de prime abord, qu’il avait bien mérité de la patrie et de la Commune, puis, corrigeant le compliment, on substitua, pour l’affichage, le mot de République au mot de patrie.

C’est dans une lettre de Garibaldi que l’on saisit le point d’aboutissement des rêves hétérogènes dont la Commune marquait l’avènement : croyant que l’Europe se laisserait faire comme s’était laissé faire la passive Italie méridionale, Garibaldi machinait la politique européenne à la façon d’un drame romantique, avec une recherche spéciale de la singularité et je ne sais quel orgueilleux vouloir de réaliser l’absurde. Il écrivait, le 18 mai 1871, à un ami de Nice, que, s’il avait fait partie d’un Parlement qui ne fût pas composé par les prêtres, « gangrène humaine, » il aurait proposé l’union complète des nations libres, avec un pacte social dont le premier article serait l’impossibilité de la guerre, et Nice capitale de cette union européenne : et l’Officiel de la Commune s’empressait de publier cette lettre.

Deux personnages qui moururent pour l’insurrection, Flourens et Rossel, nous semblent assez bien symboliser les deux courans d’idées fort distincts, voire même presque inverses, que l’on constate à l’origine : Rossel est un type de patriotisme ; Flourens, un parangon d’humanitarisme.

Rossel, officier de l’armée de Metz, avait souffert de l’inertie commandée par Bazaine, et dans les colonnes de l’Indépendance belge il s’en était plaint amèrement. Préférant la fuite à la captivité, il accourut à Tours et offrit son épée ; des malentendus accidentels l’éloignèrent des mêlées qu’il rêvait. Il avait passé le temps de la guerre à désirer de se battre et à ne se battre point ; son âme débordait de rage lorsque éclata la Commune. « Le 18 mars, écrit-il lui-même, je n’avais plus de patrie : la France s’était effondrée ; plus de courage, plus de patriotisme, plus d’honneur. Le 19 mars, j’apprends qu’une ville a pris les armes, et je me raccroche désespérément à ce lambeau de patrie. » C’est ainsi que le patriote, chez Rossel, engendra le « communard. »

Les déceptions furent rapides : il se trouvait en présence d’un gouvernement improvisé, qui n’eut jamais le courage, quoi qu’en voulût Rossel, d’affronter la publicité ni de chercher à conquérir l’opinion par la presse, et qui, conservant toujours l’aspect d’une émeute, « n’avait ni hommes d’Etat ni militaires, et ne cherchait point à en avoir. » Mais le sort en était jeté ; et puis, où se battre ailleurs ? L’austère et têtu calviniste qu’était Rossel répétait