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volontiers cette maxime de Descartes : « Être aussi résolu dans ses actions, une fois son parti pris, dans les occasions urgentes, que si l’opinion en vertu de laquelle on agit était certaine… » Rossel demeura résolu ; même lorsqu’il eut perdu toute foi dans l’avenir de la Commune, il ne retira rien de sa fidélité. Il lui fallut peu de jours pour sentir l’inefficacité de la résistance parisienne : poursuivre un système de répression contre les citoyens qui refusaient ou marchandaient leur concours à cette résistance lui parut, dès le 7 mai, un acte de stérile barbarie ; il y renonça. Il n’aimait point, d’ailleurs, le « triste drapeau rouge » ni les « gueux d’officiers de la Commune, » et le 9 mai il refusa d’exercer plus longtemps « un commandement où tout le monde délibérait et où personne n’obéissait. » « La maladie des démocraties, écrivait-il, c’est de partager les responsabilités. On ne fait ainsi que de petites choses. Cette tendance est excessivement favorable aux petits despotismes et aux grosses dilapidations. Un individu qui n’a qu’un dixième, ou un centième, ou un millième d’influence dans la solution d’un débat déterminera son opinion par des raisons dix fois, cent fois, mille fois moins déterminantes que s’il avait toute la responsabilité. » L’homme d’action qui signait ces lignes eût pu jouer dans la Commune, au nom du patriotisme, le rôle dictatorial que joua Gambetta dans la République ; il fut, après la victoire de l’armée de Versailles, condamné à mort et exécuté, bien qu’on ne pût prétendre, ni qu’il se fût servi de la Commune ni que la Commune eût su profiter de ses services.

Tout autre était Flourens : il fut dès sa prime jeunesse un irrégulier qui promenait à travers l’Europe, avec des allures de croisé, je ne sais quel don quichottisme de la liberté. Tout de même que Bonaparte avait rêvé de prendre la Russie à revers avec l’appui des Indes conquises, tout de même Flourens, se lançant en 1869 dans la mêlée des insurgés crétois et rêvant ensuite de faire s’insurger Athènes, « espérait, après avoir renversé le gouvernement bâtard et débile de la Grèce, trouver là assez de forces pour revenir soulever Marseille, et marcher sur Paris si la chute de l’Empire tardait trop. » A Londres, dans les meetings où le conduisait Bradlaugh ; à Paris, dans les tumultueuses réunions de la Villette, il faisait acclamer la République universelle et la délivrance de l’humanité ; et les assemblées qui l’entendaient étaient secouées « d’un tout-puissant élan vers l’avenir