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ce qu’il « déplorait avant tout, » ce n’était point le scintillement des casques prussiens, douloureusement éblouissans pour un patriote ; c’était le grossissement de certains nuages de « haine, » dont la fatale poussée troublait son imagination d’humanitaire ; et, s’il prenait le deuil des provinces enlevées, c’était en tant que citoyen du monde. Au lendemain de la catastrophe, Macé, symbole accompli de cette maçonnerie qui lui rendait amour pour amour, demeurait semblable à lui-même, obsédé toujours par le péril du sabre et du goupillon, et fasciné par la contemplation lointaine d’une Europe définitivement unie, qui pardonnerait à la France, enfin désarmée, et protégée dès lors contre tout coup d’Etat, les glorieuses victoires du premier Empire. Il y avait, chez les hommes de cette école, je ne sais quel besoin de modestie pour la France. Témoin certain préfet du Quatre-Septembre, fort apprécié dans les loges, qui, s’excusant, en 1867, de ne pouvoir assister au Congrus de Genève, avait ainsi signé sa lettre aux congressistes : « Guépin, Européen, de votre province de France. » Le traité de Francfort détacha de cette province de France deux larges districts et installa, proche d’elle, un Empire qui se qualifia de national et qui n’affecta point cette audacieuse humilité de jouer à la province. Et, sous l’impression de cet événement, ceux d’entre les républicains qui détestaient les lisières de l’idée de patrie imposèrent du moins quelque discrétion, durant une assez longue période, à leur « humanitarisme » rougissant…


GEORGES GOYAU.