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Sur le fronton décoratif, un nid de corbeaux. Sur le fronton à gauche, la sœur de la Légende à la recherche de ses frères changés en corbeaux ; à droite, sa rencontre avec la bonne fée. Tout auprès, vous trouverez un boudoir qui n’est autre que la Légende de la Belle au Bois dormant. Les pilastres ne sont plus des pilastres, mais sont la bonne et la mauvaise fée. Les lampes sont des gardiens qui dorment. La cheminée supporte le lit de la princesse et, sur les boiseries comme sur les tentures et les fauteuils, courent des entrelacs d’épine et d’églantine qui poussèrent instantanément autour du château enchanté.

Ce développement logique d’un plan se retrouve également dans les plus petites choses. Dans les ouvrages d’orfèvrerie de M. Michelsen (à la section danoise aux Invalides), on voit un vase d’argent dont le pied est entouré d’algues. Son col, qui est ajouré, est formé d’une suite circulaire de bateaux à voiles et, pour expliquer ces bateaux, tous les flancs du vase sont vides et représentent des algues en relief sur l’immensité de la mer d’argent. Cela s’appelle l’Armada. A côté, dans la céramique sortie des ateliers de MM. Binget Groendhall de Copenhague, vous trouverez la même logique dans chaque décor. Un vase est une personnification de l’automne. Une autre porcelaine est intitulée Croissance, et chacun répond bien au thème qu’on a choisi. Sur un grand vase de Sèvres, la nature se développe, depuis l’algue flottante au gré des eaux jusqu’à la nue flottante au gré des vents. Entre les deux passent les poissons et plus haut les mouettes ou les pétrels. Jamais décorateur gothique ou du temps de Louis XV ne mit plus d’intentions littéraires à déterminer ses lignes décoratives ni plus de logique à développer cette intention.

Mais l’intention est peu. La réalisation, voilà le point qui importe et, dans cette réalisation, il y a entre les essais nouveaux de profondes dilffrences. Il y a, çà et là, de belles lignes décoratives. — Il y a, çà et là, des lignes nouvelles. — Mais ce ne sont point les belles lignes qui sont nouvelles. — Et ce ne sont point les nouvelles qui sont belles.

Ainsi, on trouve, en les cherchant bien, des meubles nouvellement construits d’un usage facile et d’un aspect esthétique. Les appartemens de MM. Waring et Gillow, aux Invalides, ont le cachet simple et orné qui convient à notre génération. Seulement il se trouve justement que c’est du style XVIIIe siècle, le style Sheraton pour la grande chambre à coucher, et que le salon