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trois ou quatre fois par an fumer la haute cheminée qui marque le point précis où les deux collaborateurs, l’artiste et le feu, travaillent. Si les lignes sont lentes, comme celles de ce paysage, les couleurs sont profondes comme celles de ces champs. Elles n’ont rien du bariolage qu’inspire la nature des tropiques ou simplement des pays méridionaux aux floraisons très diverses et très mélangées, mais dans leur simplicité, elles sont d’une richesse extrême. Pas une seule, dans toute l’exposition de M. Delaherche, ne détonne ni n’inquiète. Toutes satisfont le sentiment de la grande décoration. Ces œuvres n’ont rien à redouter des flux et des reflux de la mode. Conçues avec le temps elles n’ont rien à craindre du temps, car ce qu’elles nous donnent, ce ne sont pas seulement les joies de la surprise, qui se lassent, mais le repos de l’admiration, qui ne se lasse pas.

Pendant qu’on travaillait à la Chapelle-aux-Pots, parmi bien d’autres paysages nos céramistes français cherchaient à enrichir leur art. À l’autre bout de la France, dans un vallon d’or, entre des coteaux rouges comme du porphyre et une mer bleue comme un saphir, ombragés par les oliviers qui virent commencer le dernier acte du plus grand drame des temps modernes, entre Cannes et le golfe Juan, des céramistes ont construit une sorte de palais des fées. Ils ont puisé à pleines mains dans cette terre magique. De gigantesques crapauds ont été changés en faïences vertes et dorment sur les bords des bassins. Toutes les fleurs, tous les fruits, toutes les bêtes ont été changés en grès. Les artistes ont alors cherché, les yeux fixés sur l’Orient d’où viennent les voiles, à changer à son tour le grès en métal. Ils ont voulu reproduire les reflets qu’ils apercevaient sur les anciennes poteries dont les morceaux avaient traversé la mer. Comme ils y sont parvenus, nous pourrons le voir ici, et, quelle que soit l’opinion qu’on ait des formes céramiques de M. Massier, on ne peut qu’applaudir à ces surprenantes conquêtes sur l’impossible et sur l’inconnu.

Que la couleur soit le principal progrès et l’aboutissement de tous les efforts, c’est ce que nous observons encore quand nous regardons, dans l’admirable exposition de Sèvres, les pâtes de verre de M. Cross, épaisses comme du marbre, ou encore, au rez-de-chaussée, la céramique et les pâtes d’émail de M. Dam-mouse. Cola est si frappant que, voulant les définir, M. Garnier est amené à dire de cet artiste : « Il traite les figures non en