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Un autre grand progrès de notre temps a été le chauffage. Grâce à lui, une température égale est établie dans les plus grands halls et permet de s’y tenir sans craindre les ouragans d’air froid qui traversaient il y a un siècle encore les salons des plus somptueuses demeures. Les modernistes tiennent ce progrès pour non avenu, puisqu’ils restituent ces fauteuils à haut dossier et à double « joue » qu’on appelait autrefois des « confessionnaux. » Difficiles à manier, formant une cage qui empêche de voir ce qui se passe au dehors, ils ne se recommandaient que par la nécessité où l’on était de s’en servir. De même, tous les efforts de la cristallerie ont tendu à obtenir des glaces de plus en plus hautes et larges, d’une seule pièce, afin que la vue ne soit pas arrêtée par les barreaux qui divisent la fenêtre en la soutenant. C’est pourtant le déconfort qu’on renouvelle, dans les petits carreaux des coupés modernes, ces espèces de « huis enchasillés » qui semblent inutiles en dehors des voitures cellulaires. Ils ne s’expliquaient autrefois que par leur nécessité. Cette nécessité disparaissant, ce n’est que par un artifice qu’on peut la reproduire, sous couleur de modernisme, lorsque le progrès moderne a précisément consisté à nous en débarrasser.

Quelles sont donc les indications de la vie moderne, et, si l’on voulait à toute force un style nouveau, quelles en seraient les conditions ?

Considérons ce qu’il advient nécessairement dans une vieille demeure, que ce soit un château du Xe siècle, ou un hôtel du XVIIIe, lorsque ceux qui l’habitent veulent, sans trop se soucier de l’art, l’accommoder à leur vie. D’abord ils y font des trous : ou bien ils creusent des fenêtres là où il n’y en avait pas ou bien ils élargissent celles qu’ils avaient. Bien mieux, ils ne se contentent pas de la vue perpendiculaire au plan de cette ouverture : ils veulent encore voir à droite et à gauche, et ainsi leurs fenêtres s’avancent en encorbellement sur trois côtés. C’est le bow-window ; le désir de plus de lumière, de plus d’air et de plus d’horizon, voilà le premier signe qui distingue la vie contemporaine.

Le second est celui de l’indépendance. Il y a longtemps qu’on s’est libéré de cette ancien assujettissement commun aux palais du XVIIe siècle : les chambres commandées les unes par les autres. Mais il n’y a pas longtemps qu’on a réalisé le hall, c’est-à-dire le salon où rien ne se commande, où des groupes différens peuvent écrire, jouer, causer sans mettre tout le monde dans les