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Rollin qui avait écrit au-dessus d’une porte intérieure de sa modeste maison de la rue Neuve-Saint-Etienne-du-Mont : « Maison à toutes préférée où je suis habitant paisible de la ville et de la campagne, où je suis à moi et à Dieu. »

Aujourd’hui on ne le sent plus. On veut avoir une maison ornée, mais on ne s’avise pas que, pour cela, il faut avoir une maison. On rêve d’un foyer esthétique, mais on ne se préoccupe pas d’avoir un foyer. On cherche la formule de l’art moderne avant d’avoir trouvé la formule de la dignité et de la stabilité de la vie moderne. On veut embellir une demeure où l’on ne demeure pas. Quelle apparence y a-t-il qu’on réussisse ? C’est vraiment un étrange phénomène qu’on entende constamment parler de la nécessité d’un art nouveau et qu’on n’entende jamais parler de la nécessité d’une vie nouvelle. Pourtant il faut avant tout que l’une se réalise et soit réalisée, depuis longtemps, pour que l’autre naisse un jour. L’art, et surtout l’art appliqué, n’est jamais allé plus vite que la vie. Cherchons la simplicité, la précision, la modestie, le calme dans tout ce qui nous entoure. Si nous ne parvenons pas à construire notre maison sur des fondemens qui nous soient propres, à quoi bon rêver un autre style que les styles du passé ? Cherchons donc d’abord non pas un art nouveau, mais une vie nouvelle, le reste viendra par surcroît. S’il y a une vie nouvelle, elle nous fournira un art nouveau. Et s’il n’y a pas de vie nouvelle, nous n’avons pas besoin d’art nouveau.


ROBERT DE LA SIZERANNE.