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L’ŒUVRE LITTÉRAIRE
DE
CALVIN


I

Il y a une Réforme purement française, qui n’a rien dû de son origine, ou peu de chose, à la Réforme allemande ou anglaise ; qui ne laisse pas d’en avoir assez profondément différé ; qui longtemps n’a été ni politique, comme l’anglaise, ni sociale, comme l’allemande, mais religieuse, théologique et morale ; et qui enfin les a même précédées l’une et l’autre. C’est en effet en 1517 que Luther a, comme on sait, affiché ses thèses de Wittemberg, mais le Commentaire sur les Psaumes, en latin, de notre Lefebvre d’Étaples, est de 1512, et, — de Lefebvre d’Étaples à Calvin, de 1512 à 1536, — on peut suivre à la trace, dans des documens français, le progrès et l’évolution logique d’un protestantisme exclusivement français. Plus on l’étudiera, de plus près, avec plus de soin, dans un plus grand détail, et mieux on y verra les caractères distinctifs de ce que j’appellerai notre Réforme nationale. C’est une tendance à faire prédominer la morale sur le dogme ; à mettre dans la pratique de la vie quotidienne tout ce que l’on essaie d’enlever aux œuvres, j’entends les œuvres extérieures et cérémonielles ; c’est encore une tendance à « démocratiser » ou plutôt à « individualiser » le sentiment religieux ; — et, tout cela, c’est ce que nous allons retrouver dans Calvin.

C’est aussi ce qui nous dispense de nous expliquer, à propos de Calvin, sur la Réforme en général ; et, ne voulant ici parler que de son œuvre littéraire française, nous pouvons nous borner