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second, que ce sera un parlementarisme réel. J’entends moderne, par opposition au parlementarisme de type anglais qui, au moment où le continent l’a adopté, était déjà trop vieux pour lui ; et j’entends réel, par opposition à ce parlementarisme qui, depuis que le continent l’a adopté, n’y a jamais été rien que d’artificiel et de conventionnel, d’inconsistant et d’inexistant, de folâtre et de falot. J’entends par moderne et par réel que, dans toute l’Europe occidentale, il correspondra à un état social, sensiblement pareil dans tout l’Occident de l’Europe où se posent à cette heure les mêmes questions et qui à cette heure souffre de la même crise. J’entends par-là que, comme l’état social de l’Europe contemporaine n’est plus du tout celui qui servit jadis à construire le parlementarisme anglais, le parlementarisme qu’il s’agit aujourd’hui de construire doit être modelé sur cet état social, et non sur autre chose : c’est de cet état social réel de l’Europe moderne qu’il doit tirer ses cadres et emprunter ses formes ; par quoi véritablement il sera moderne et réel. S’il n’y avait dans les mots un peu de grossissement, on pourrait dire du parlementarisme anglais qu’avec ses classes qui sont ou qui étaient des ordres, il était, et il est encore d’essence « aristocratique » et « de type plutôt féodal ou militaire, » tandis que le parlementarisme nouveau, à quelques modifications locales et nationales qu’il se prête, sera décidément « d’essence démocratique » et « de type industriel » ; ou encore, puisqu’on est en veine de prendre le langage des positivistes, qu’après « l’état fétichiste » et « l’état polythéiste » du régime parlementaire, en voici venir « l’état positif. » C’est cela même, et le parlementarisme qu’il nous faut à présent construire, c’est un parlementarisme moderne et réel ; c’est proprement un parlementarisme positif.

Maintenant, est-il possible de le construire ? Question qui en implique une autre : est-il possible d’organiser la démocratie ? À ces deux questions aussi je répondrais : Oui, tout de suite, si M. le marquis Tanari ne m’opposait une objection en quelque sorte préliminaire, qui ne me semble point irréfutable, et qu’il est peut-être bon de réfuter d’abord, avant de produire une affirmation qu’elle affaiblirait, ou même qu’elle remettrait en cause.


IV

« S’il est vrai que l’égalité démocratique est un principe qu’on ne peut désormais méconnaître, cette idée d’égalité s’accorde-t-elle avec l’idée d’une véritable organisation ? En d’autres termes : Peut-on