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Faut-il parler ici de l’opinion de l’Europe sur le Congo ? On serait en droit de se demander d’abord s’il y en a une. A peine l’existence de cet État, qui date d’hier, est-elle connue dans le grand public ; en tous cas, il ignore absolument sous quel régime, sous quelles lois, il se trouve gouverné. Quant aux chancelleries, elles attendent : des traités récens, des conventions échangées sans bruit n’ont attiré leur attention que par saccades. On nous regarde faire, mais on ne nous a pas dit encore tout ce que l’on pense.

Enfin, en ce qui concerne l’opinion de la Belgique, il faut bien reconnaître qu’elle est hésitante et comme craintive à s’affirmer. Les masses ne prêtent guère intérêt à la question congolaise, et, à la vérité, depuis le gouvernement jusqu’à la presse, on ne sait ce qui se passe là-bas que par des à-peu-près, des correspondances de hasard, des on-dit exagérés, soit en bien soit en mal.

C’est pourtant ce gouvernement, c’est ce peuple qui peuvent d’un jour à l’autre être appelés à une décision dont l’influence, dans l’un ou l’autre sens, sera incalculable sur Les destinées de la Belgique ! On peut s’étonner de voir ce voile toujours tendu sur les choses du Congo, et de l’indifférence de la plupart des hommes politiques quand il s’agit de s’éclairer sur tant de points restés dans l’ombre. Ils ont peut-être conscience de l’inaptitude du régime parlementaire à gérer des intérêts d’une nature aussi délicate, où l’on perdrait l’ensemble, si l’on ergotait sur le détail. Faudrait-il en conclure que seule une volonté souveraine et non discutée est apte à conduire heureusement, vers son développement normal, une œuvre colonisatrice de civilisation et de progrès ?


Cte CHARLES D’URSEL.