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et la vraie Chine s’y retrouve dans les bibelots, pièces d’art, et marchandises de toute sorte : bronzes, laques, tables, cabinets, sièges, poteries, poupées, petites maisons, petites scènes, petits bateaux, petits joujoux. Beaucoup de ces poupées et de ces joujoux sont même singulièrement évocateurs, et toute l’habitation, toute la vie chinoise semblent vous apparaître dans ces maisonnettes d’un pied de haut, où des personnages de six pouces se livrent, comme au naturel, à tous les actes de l’existence bourgeoise, populaire, domestique, commerciale, administrative. Voici des marchands qui vendent, des barbiers qui font la barbe, des pêcheurs qui rassemblent leurs cormorans de pêche sur les rebords de leur bateau, et des « fonctionnaires » — du bureau des supplices — qui bâtonnent magistralement, avec des rotins grands comme des allumettes, de pauvres petits suppliciés tout nus, agenouillés dans leurs liens, la figure sanglante et gonflée. Et toutes ces petites scènes de la vie marchande, rustique, ouvrière, pénitentiaire, se multiplient par centaines et par milliers. Ce ne sont plus seulement des poupées, mais tout un peuple de poupées, toute une nature en bimbeloterie ! C’est curieux, fin, joli, subtil, minusculement vivant et humain ! N’est-ce pas, toutefois, ici encore, comme à l’audition de la gigue jouée sur le piano indien, une vision d’artiste, une impression de littérateur ? Or, faites pour les foules, avec l’argent des foules, les expositions ne s’adressent-elles pas à elles ? Est-ce bien là l’enseignement des foules ?


V

Voulez-vous vous rendre un compte précis de ce qu’est vraiment un pays exotique, puis de l’idée qu’on peut en prendre aux vitrines et aux tableaux vivans du Trocadéro ? Entrez au village dahoméen, feuilletez-y les photographies du Dahomey, puis regardez le village lui-même, ses restitutions et ses exhibitions. Vous percevez très nettement, dans les simples vues du pays, une certaine vie primitive et un certain cadre sauvage. Le ton manque, et la perception est incomplète, mais les silhouettes, les reliefs, les grands linéamens se fixent néanmoins dans l’œil. Maintenant, examinez les objets exposés, armes, fétiches, meubles, engins, instrumens, ustensiles, et vous ne retrouvez plus aucun rapport entre les ensembles donnés par les photographies et le détail