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nouveau président du Sénat dans son propre ministère, auquel tout ébranlement risquait d’être funeste. Il a fait choix du ministre de la Guerre, le général Azcarraga, et l’a remplacé par le général Linarès. En même temps, il offrait la présidence de la Chambre à M. Villaverde, ancien ministre des Finances, à la place de M. Pidal qu’il investissait de l’ambassade de Rome. Ces choix ont été vivement critiqués pour des motifs divers. Toutefois, l’opinion aurait peut-être fini par les accepter si le général Linarès, dès son arrivée au ministère de la Guerre, n’avait pas jugé à propos, sans d’ailleurs consulter ses collègues, de nommer le général Weyler capitaine général de Madrid. Malgré les malheureux souvenirs que le général Weyler a laissés à Cuba, il a un parti dans l’armée : le général Linarès cherche à s’y en faire un. Le général Weyler, personnage politique très équivoque, est passé autrefois des conservateurs aux libéraux. Il a eu soin de dire, en prenant possession de ses fonctions nouvelles, qu’il les acceptait à cause de leur caractère exclusivement militaire : c’était faire entendre qu’il restait libéral et se refusait à redevenir conservateur. Il acceptait les dons d’un parti, sans s’y rallier. L’émotion a été très vive, comme elle devait être. La prétention à l’indépendance du ministre de la Guerre et la preuve qu’il venait d’en donner par le choix le plus imprévu ont amené la chute du cabinet La plupart des collègues de M. Silvela lui ont donné leur démission : il a dû y joindre la sienne et les remettre toutes à la Reine-régente.

Le général Azcarraga a été chargé de former un nouveau ministère. Les libéraux, en ce moment, ne peuvent, ni même ne veulent prendre le pouvoir : ils désapprouvent le prochain mariage de la princesse des Asturies avec le fils du comte de Caserte, et, comme ce mariage est résolu dans l’esprit de la Reine, ils se tiennent à l’écart jusqu’à ce qu’il soit accompli. En outre, le parti est aussi divisé qu’il l’a jamais été. Le général Azcarraga n’a eu d’autre idée que de faire un replâtrage. Il a conservé le plus grand nombre qu’il a pu des membres de l’ancien cabinet, et ne s’est adjoint que deux ou trois nouveaux collègues. Parmi ceux qu’il garde est le général Linarès, lequel garde le général Weyler. Dès lors, on se demande à quoi rime cette crise : ce sont choses d’Espagne ! Cette solution, qui n’en est pas une, n’a pas calmé l’inquiétude. La prédominance de l’élément militaire, et surtout la manière dont cet élément est représenté dans les postes les plus importans, apparaît comme un danger, ou du moins comme une cause sérieuse d’appréhension. Le général Azcarraga jouit personnellement de l’estime générale, mais ce n’est pas un homme politique : sa place était