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blique d’un mauvais pas avec un ministère de coalition, mais non pas la faire vivre ensuite. Les journaux les plus dévoués au cabinet lui conseillaient de passer de la défensive à l’action : c’était le mot du jour. M. le président du Conseil ne demanderait probablement pas mieux que de passer à l’action ; mais, quand il essaie de le faire, il se sent paralysé. Après une longue déclamation, qu’il a quittée et reprise, sur les dangers qu’il y a à livrer la jeunesse française à des influences contraires, à quoi a-t-il conclu ? Au stage scolaire ? A la suppression de la liberté d’enseigner ? Non ; il n’a conclu à rien du tout. Après avoir parlé des réformes sociales, on pense peut-être qu’il a conclu à cet impôt sur le revenu qui a été la plate-forme électorale des radicaux et des socialistes en 1898. Il n’en a pas dit un mot. Il n’a parlé, comme devant être le programme de la législature actuelle, que de la loi sur les associations, c’est-à-dire contre les congrégations religieuses, dans l’ordre politique ; de la loi sur les retraites ouvrières dans l’ordre social ; de la réforme des droits de succession et de celle du régime des boissons dans l’ordre fiscal. C’est beaucoup sans doute, et nous doutons que la Chambre fasse tout cela avant les élections prochaines : mais ce n’est pas ce qu’on attendait. Aussi la déception a-t-elle été grande à la lecture de ce discours amorphe, sans relief, sans flamme lumineuse, sans chaleur communicative, qui ne témoigne que d’une chose, à savoir d’un prodigieux embarras. A la veille de la rentrée des Chambres, on s’apprêtait à entendre un coup de clairon vigoureux ; on n’a entendu qu’un morceau sans éclat, exécuté sur un instrument dont les cordes sont détendues et où il manque même quelques notes. Décidément, il faudra que M. Waldeck-Rousseau se contente d’avoir sauvé la République : son ministère n’est pas bon à autre chose, il ne l’avait fait que pour cela !


Francis Charmes.
Le Directeur-gérant,
F. Brunetière.