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France gardait ainsi son indépendance et ne se croyait pas astreinte à prendre toujours à Londres le mot d’ordre de sa politique. Aussi, le 3 février, jour où le scrutin de l’élection devait avoir lieu, on vit afficher dans les salles attenant au Congrès deux dépêches, portant l’une et l’autre la signature du ministre des Affaires étrangères français : Tune renouvelant la protestation contre l’élection possible du duc de Leuchtenberg, l’autre annonçant que sur un point capital la signature de la France était effacée d’un acte commun de la Conférence. De plus, quelques phrases, jetées en quelque sorte par hasard dans un post-scriptum de la dépêche, étaient de nature à faire entendre que, sur ce point comme sur tous les autres, les décisions de la Conférence n’avaient aux yeux du gouvernement français que le caractère d’une offre de médiation, ne devant avoir de valeur définitive qu’après la discussion et par l’adhésion des intéressés.

C’était en réalité mettre toute l’œuvre de la Conférence en interdit. Le protocole bien autrement important du 20 janvier, celui qui consacrait la neutralité, en même temps que les définitions des limites du futur royaume, se trouvait ainsi, qu’on le voulût ou non, compris dans la même réserve et tenu également en suspens.

L’effet fut immédiat et souverain. Bien qu’il n’y eût entre les deux dépêches aucune relation apparente, on établit entre elles un lien assez naturel. Le moyen, en effet, de faire une élection qui blesserait la France, le jour où elle se montrait prête à s’affranchir des liens diplomatiques où on avait la prétention de la retenir ? Le choix ne pouvait plus être douteux. Deux tours de scrutin furent pourtant encore nécessaires, un certain nombre de voix hésitantes s’étant perdues sur le nom d’un archiduc autrichien, ce qui ne laissait au Duc de Nemours qu’une majorité relative : mais, à la seconde épreuve, le prince français réunit 97 suffrages, 75 seulement restèrent fidèles au duc de Leuchtenberg, et le Duc de Nemours fut officiellement proclamé. La nouvelle, à l’instant répandue dans la foule, fut accueillie avec acclamation, et le soir toute la cité était illuminée. Une députation conduite par le président du Congrès, M. Surlet de Chokier, et composée des personnages les plus considérables, fut désignée pour porter à Paris l’acte de nomination, et en même temps un exemplaire de la Constitution qui venait d’être achevée et à laquelle le nouvel élu, avant de prendre possession, devait prêter