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compte toujours sur moi pour la préserver de toute attaque extérieure et de toute intervention étrangère ! Mais que les Belges se garantissent aussi du fléau des agitations intestines, qu’ils s’en préservent par l’organisation d’un gouvernement constitutionnel qui maintienne la bonne intelligence avec ses voisins et protège les droits de tous en assurant la fidèle et impartiale exécution des lois ! Puisse le souverain que vous choisirez consolider votre situation intérieure, et qu’en même temps, son choix soit pour toutes les puissances un gage de la continuation de la paix et de la tranquillité générale ! »

Quittant alors le trône où il était resté assis pour les recevoir, le roi s’approcha des députés, et, tendant la main au président du Congrès : « Monsieur, lui dit-il, c’est à la nation belge tout entière que je donne la main. Dites à vos compatriotes qu’ils peuvent compter sur moi, et que, sur toutes choses, je les conjure de rester unis. » Ces paroles furent prononcées avec l’accent d’une émotion qui gagna tous les assistans et fut visible sur leur visage.

C’est un sentiment qu’ils auraient eu peine à faire partager à leurs compatriotes, si, de retour à Bruxelles, ils les eussent trouvés livrés à cette violente explosion de fureur dont les sombres prévisions de M. Bresson avaient fait l’effrayante peinture ; mais là aussi, il faut bien le reconnaître, le temps et la réflexion avaient porté conseil. Que faire, en effet ?

Le protocole tardif qui excluait Leuchtenberg avait créé une situation véritablement inextricable, car, les deux candidats disparaissant en même temps, l’un refusé, l’autre écarté, quel autre choisir ? où l’emportement aurait-il mené, sinon à aller se frapper la tête contre un mur qu’on n’avait pu empêcher d’élever et qu’on n’était pas de force à détruire ? Puis, on n’avait pas tardé à apprendre qu’à la place des deux noms, dont on ne pouvait plus parler, un autre, celui du prince d’Orange, recommençait à être prononcé assez haut, surtout dans l’entourage de la légation anglaise. Barrer toutes les voies et empêcher tous les partis de faire un pas, si c’était là le but que s’était proposé la tactique louche de lord Ponsonby, elle avait réussi, et il s’apprêtait à tirer parti du résultat en remettant au jeu, comme carte forcée, celle qu’il n’avait pu faire accepter par personne. Des menées actives des orangistes étaient signalées dans les divers points de la Belgique et on parlait même de soulèvement possible dans les contrées où la maison de Nassau avait gardé des sympathies, et où la fatigue