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jamais paru aussi long, s’étonna d’entendre sonner les heures. D’habitude tout aux secousses du bombardement, il ne distinguait rien en dehors de cette basse grondante. On faisait donc trêve aujourd’hui, en l’honneur de la réjouissance ? Un bruit de fanfares étouffées passa dans l’air. Le mouvement de la porte qui s’ouvrait, l’apparition du major Von Dümpfel, en grande tenue, croix ballantes, lui fut pénible. Il ferma les yeux, ne put se soustraire au spectacle que dressait devant lui le récit enthousiaste du nouveau venu.

Dès dix heures du matin, les députations des différens corps, la foule des invités se pressaient dans les grands appartemens de Louis XIV. Au centre de la galerie des Glaces un autel s’adossait contre les fenêtres du parc. Du côté du Salon de la Guerre une estrade groupait les officiers porte-emblèmes avec tous les drapeaux et les étendards. Sa Majesté, précédée du grand maréchal de la Maison et du maréchal de la Cour, était entrée à midi, suivie des princes du sang, des princes souverains et des princes héréditaires, avait pris place, entendu le service divin et la prédication. Puis Elle s’était avancée vers l’estrade. À sa droite étaient le Prince Royal, le comte de Bismarck et le maréchal de Moltke, et de tous côtés. Leurs Altesses Royales ou Sérénissimes, le prince Albrecht, le prince Adalbert, les grands-ducs de Saxe-Weimar, d’Oldenbourg, de Bade, de Cobourg, les princes de Bavière et de Wurtemberg, le prince héréditaire de Hohenzollern, le duc de Holstein, cent autres. La Galerie sur toute sa longueur bruissait de généraux, de conseillers, de hauts dignitaires. Alors, entouré des drapeaux du 1er Régiment de la Garde, Sa Majesté s’était adressée aux illustres princes et alliés, consentant sur leur demande et celle des Villes libres, à rattacher à la couronne de Prusse la dignité impériale ; ensuite Elle avait ordonné à son chancelier de donner connaissance de la proclamation au peuple allemand. Une émotion profonde agitait l’assistance. M. de Bismark avait lu d’une voix calme. Puis le grand-duc de Bade avait acclamé Sa Majesté comme Empereur d’Allemagne. Et trois fois l’assemblée avait répété l’acclamation. L’émotion était à son comble. Sa Majesté Impériale avait embrassé son fils et les membres de sa famille, serré la main des princes. Puis Elle avait traversé la galerie, en parlant gracieusement à tous, au son de la musique militaire, qui, entre des marches triomphales, jouait le Die Wacht am Rhein !