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situation inextricable, qui pourrait devenir mortelle au jour de la crise suprême. Qui pense à la résoudre tandis qu’on le peut ? Personne : la solution n’est susceptible de procurer aucun profit électoral.

Ce dernier mot renferme aujourd’hui tout le secret de l’Etat : arcana imperii divulgata, dit Tacite. Si le bénéfice des conversions a été dévoré d’avance ; si les charges de la dette ont augmenté si lourdement ; si les dépenses du budget ordinaire, établi comme en 1874, s’élèvent pour 1 901 à 1 186 millions de plus qu’alors, la principale cause réside dans le droit d’initiative parlementaire en matière de dépenses. Toute proposition de dépenses ou de modification entraînant des dépenses paraît aux élus un moyen de mériter la faveur des électeurs qui bénéficieront de ces dépenses, de se former une « clientèle, » bien plus sûrement que par des économies budgétaires blessant presque toujours quelqu’un muni d’un bulletin de vote. Jamais les Chambres ne voteront certaines réformes non seulement utiles mais nécessaires, parce que ces réformes impérieusement réclamées par la nature des choses, par l’intérêt public, mettraient en péril la réélection de leurs auteurs. La France de 1901, avec les chemins de fer, le télégraphe, le téléphone, est organisée dans son administration générale comme en l’an IX ; c’est une usine éclairée à l’huile, travaillant avec des moteurs à bras, opérant ses transports à des de mulet, tandis que ses concurrens n’emploient que la vapeur et l’électricité.

Que l’initiative parlementaire, que l’abus des lois entraînant des conséquences financières soient vraiment la cause capitale du développement de nos dépenses, c’est une vérité proclamée à l’envi, à la Chambre même et au Sénat, par tous les rapporteurs du budget.

Je me rappelle qu’en 1882 la Commission du budget s’était préoccupée de l’augmentation incessante des dépenses qui se manifestait à la place de l’esprit d’économie déjà si nécessaire, et voici les constatations qui furent établies pour la courte période écoulée du 1er janvier 1881 au mois de juin 1882 :

Augmentation de dépenses réalisée résultant de l’initiative parlementaire : 38 227 650 francs.

Augmentation de dépenses annuelles devant résulter de divers projets proposés par l’initiative parlementaire : 46 048 000 francs.

Diminution de recettes annuelles devant résulter des