Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA
DÉFUNTE EXPOSITION

C’est fini. On va dévisser la jeune dame bleue qui luisait depuis six mois des avances au vieil obélisque.

Directeurs, commissaires, attachés, ingénieurs et architectes, présidens de groupes ou de sections, entrepreneurs d’affaires ou d’attractions, vous les croiriez abîmés dans leur deuil et tout entiers au regret de la bonne nourrice qu’ils viennent de perdre. Savez-vous à quoi ils pensent, trois jours après le coup de canon final ? A la prochaine. Parions hardiment qu’elle s’ébauche déjà dans le rêve intime de ces professionnels endurcis.

Les autres, ceux qui ne sont pas du bâtiment, vont oublier avec délices, avec cruauté. La réaction de lassitude sera foudroyante. Quelques jours encore, et nos Athéniens inconstans fermeront la bouche à qui ramènera l’entretien sur l’objet de leur furieux engouement. Hâtons-nous de rendre les derniers devoirs à la défunte Exposition.

Tandis qu’elle étourdissait le monde de son bruit, on se tenait ici sur la réserve. Ce n’était pas indifférence. L’Exposition de 1889 fut étudiée dans la Revue avec une curiosité sympathique ; d’aucuns nous accusèrent alors dépêcher par excès d’admiration. Nous n’aurions pas demandé mieux que de retomber dans le même péché. Si nous n’avons pas cédé à la tentation, c’est qu’en vérité l’état de l’esprit public décourageait les libres jugemens. Dès le premier jour, l’opinion s’était divisée en deux camps. Dans l’un, les détracteurs : ceux-ci n’avaient pas assez de mépris pour une entreprise condamnée d’avance, disaient-ils, et où tout