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supportées tant que dura le monopole de la Compagnie des Indes. Mais, dès que les employés de cette société furent remplacés par les agens directs du gouvernement, les démêlés commencèrent. Le commerce anglais étouffait dans le cercle étroit où le Fils du Ciel prétendait l’enfermer ; l’orgueil britannique ne pouvait plus supporter les avanies qu’on prodiguait tantôt aux sujets, tantôt aux représentans de la Reine. En 1840, la guerre éclata.

Il n’entre pas dans mon plan soit d’en scruter les origines, soit d’en décrire les péripéties. Il me suffira de dire que, si les Anglais dépassèrent leur droit en refusant d’abandonner le commerce de l’opium malgré les édits impériaux, les Chinois ne sauraient être absous, soit d’avoir incessamment retiré d’une main ce qu’ils donnaient de l’autre, soit d’avoir employé la violence et la ruse à l’égard des trafiquans, soit d’avoir prodigué le mépris et l’outrage, comme en 1808 et 1816, au gouvernement d’un grand pays[1], soit d’avoir massacré sans motif le 24 août 1839 presque tout l’équipage d’une goélette anglaise allant de Macao à Hong-Kong, soit d’avoir rétracté déloyalement un engagement pris, en octobre 1839, par le haut commissaire impérial Lin et le gouverneur de Canton envers Charles Elliot, « surintendant en chef du commerce et des sujets anglais en Chine[2]. »

Une porte entr’ouverte n’est pas une porte fermée. Le Céleste-Empire appartenait déjà depuis plusieurs siècles, quelque dépit qu’il en pût concevoir, à la société internationale et, par-là même, était astreint à l’accomplissement de certains devoirs internationaux.

Mais le traité de 1842 entre la Chine et l’Angleterre, les traités de 1844 entre : 1° la Chine et les États-Unis ; 2° la Chine et la France inaugurèrent assurément un nouvel ordre de choses. Pour la première fois, ainsi que l’a très bien remarqué le Prince de Joinville en 1857, la Chine faisait un acte de soumission au droit public des nations civilisées. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un coup d’œil sur notre traité, signé le 24 septembre à Whampoa, ratifié le 25 août 1845 à Macao, rédigé sur le type de la convention anglo-chinoise.

Le préambule, œuvre ordinairement banale, emprunte aux relations particulières de l’Europe avec le Céleste-Empire la plus

  1. Même article du Prince de Joinville.
  2. Voyez la lettre de M. Adolphe Barrot dans la Revue du 1er mars 1842.