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grande importance : « Des relations de commerce, dit-il, s’étant établies depuis longtemps entre la France et la Chine, Sa Majesté l’empereur des Français et Sa Majesté l’empereur de Chine ont jugé convenable d’en régulariser l’existence, d’en favoriser le développement et d’en perpétuer la durée. A cet effet, Leurs Majestés ont résolu de conclure un traité d’amitié, de commerce et de navigation fondé sur l’intérêt commun des deux pays, et ont, en conséquence, nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir : Sa Majesté l’empereur des Français M. Théodore de Lagrené, etc., et Sa Majesté l’empereur de Chine, Ki, sous-précepteur du prince impérial, un des présidens du conseil de la guerre, gouverneur général des deux Kuân, membre de la famille impériale, etc., lesquels sont convenus des articles suivans et les ont arrêtés… » C’est une immense évolution, un coup de tonnerre, un prodige : le Fils du Ciel traite de puissance à puissance avec les barbares de la mer ! Bien plus, il s’engage à les protéger ! « Les citoyens et sujets des deux Empires, sans exception de personnes ni de lieux, jouiront, dans les États respectifs des hautes parties contractantes, d’une pleine et entière protection pour leurs personnes et leurs propriétés. »

La règle fondamentale de la politique commerciale chinoise était de concentrer tous les échanges sur un point très resserré du territoire, afin que rien n’échappât à la surveillance des mandarins. Dans le port de Canton, l’accès même de la ville intérieure et de la campagne la plus voisine était interdit aux étrangers ; ceux-ci ne pouvaient pas même amener leurs familles dans la partie de la cité qui leur était ouverte. « Dorénavant les Français et leurs familles sont autorisés à se transporter, s’établir et se livrer au commerce, sans entrave ni restriction aucune[1] dans les ports et places de Canton, Emoui, Fou-Chou, Ning-Pô et Chang-Hai. Les navires français pourront commercer librement dans ces ports, y séjourner et circuler de l’un à l’autre suivant leurs convenances[2]… Les propriétés de toute nature

  1. La corporation privilégiée, connue à Canton sous le nom de marchands hongs ou hanistes, était, par conséquent, supprimée, et les Français devenaient dorénavant libres, dans les cinq ports, de traiter de l’achat et de la vente de toute marchandise avec tous les sujets chinois choisis sans l’intervention obligée de qui que ce fût (art. 9 du traité).
  2. « Mais il leur est formellement interdit de pénétrer et d’effectuer des opérations commerciales dans aucun autre port de la Chine, comme aussi de pratiquer sur la côte des ventes ou des achats clandestins (art. 2, § 3). »