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pourrait expier son imprudence. Il délégua d’abord le vice-roi du Chi-li, Hang, pour empêcher la substitution de l’action militaire à l’action diplomatique et brouiller, s’il se pouvait, la France avec l’Angleterre. Hang, ayant échoué dans cette tâche, fut désavoué « pour n’avoir pas su conserver les relations pacifiques » entre la Chine et les nations de l’Occident, puis remplacé par les grands dignitaires Oueng et Heng-ki, qui ne purent empêcher la déroute de l’armée tartare et la prise des forts de Takou.

Ces deux personnages furent désavoués à leur tour. Un décret impérial du 24 août 1860 ayant désigné Koueï-liang, le négociateur du traité de 1858, comme plénipotentiaire pour traiter de la paix, ce haut commissaire et ses collègues envoyèrent, le 3 septembre, aux ambassadeurs des puissances alliées une dépêche ainsi conçue : « Nous venons par ordre de l’Empereur et nous déclarons en premier lieu qu’on doit en revenir à l’exécution du traité signé en 1858 et que toutes les clauses de l’ultimatum notifié par votre empire au mois de mars sont acceptées sans restriction… » Mais on découvrit presque aussitôt que si Koueï-lang possédait bien, comme il l’avait écrit, le sceau impérial, il n’avait pas les pleins pouvoirs du Fils du Ciel. Les conférences furent rompues et la marche sur Pékin fut reprise malgré deux lettres suppliantes de Koueï-liang (7 septembre). Le prince Tsaïet Mouh, président du bureau de la guerre, remplacèrent ce plénipotentiaire qui « n’avait pas su se conformer aux ordres de l’empereur[1], » et s’efforcèrent encore une fois, par tous les moyens imaginables, de faire rétrograder les alliés. La France ne voulait ni ne pouvait regarder comme un malentendu l’outrage prémédité qu’elle avait reçu le 20 juin 1859 et décidait à l’action le cabinet de Saint-James qui, malgré l’énormité de ce premier forfait international, avait hésité d’abord à s’ouvrir par la force la route de Pékin.

Cependant le baron Gros et lord Elgin offraient encore de signer la paix à Tong-chaou, c’est-à-dire à 18 kilomètres de Pékin. Le prince Tsaï et son collègue Mouh souscrivirent à la proposition des ambassadeurs, promettant purement et simplement de signer la paix dans cette ville et d’apposer le sceau de l’empereur sur le texte du traité. C’est là qu’allait être commis

  1. Dépêche de Tsaï, datée du 12 septembre.