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Saint-Pétersbourg comme évasive, et le gouvernement russe annonça, dans une note adressée aux journaux le 4 juillet, que les ministres des puissances européennes allaient se concerter sur les moyens d’organiser et d’accélérer un débarquement de troupes internationales. Dès le 3 juillet, les journaux de Canton avaient publié deux édits de l’Impératrice, annonçant : 1° que la réconciliation avec les chrétiens était absolument impossible : 2° qu’il serait dangereux d’opprimer le peuple et que, par conséquent, « il convenait de profiter jusqu’à nouvel ordre du mouvement hostile aux étrangers. » Le prince Tuan fut encore plus net[1] : « Nous avons. disait-il, des fusils à longue portée et de gros canons en abondance… Les étrangers sont des hommes petits et faibles qui ne peuvent opposer aucune résistance. Ils sont déjà terrifiés. D’un coup, vous les détruirez tous. Châtiez-les bien, et que pas un n’ait la vie sauve. » Les massacres d’étrangers vont se succéder désormais sans interruption. Pour exciter au meurtre la population de Canton, on affiche sur les murs de cette ville que tous les étrangers ont été tués, dans le Nord, comme des poulets ou comme des chiens[2]. Quelques jours après[3], on annonce que Lin-Ping-Heng, ennemi déclaré des barbares, a reçu le commandement suprême des quatre armées mobilisées dans le Yang-Tsé et que l’Impératrice, sur sa demande, fait décapiter, ou couper en deux (on n’est pas d’accord sur le mode d’exécution), deux membres du Tsong-li-Yamen, favorables aux étrangers. Notre consul générale Changhaï peut encore télégraphier à M. Delcassé, le 25 septembre, longtemps après l’ouverture des négociations, que, « d’après des informations « de source chinoise, les vice-rois et les gouverneurs auraient reçu de la cour des ordres impériaux secrets qui les mettraient en demeure de combattre et de détruire les étrangers. » On feint de destituer le prince Tuan ; mais tout porte à croire qu’il a rédigé lui-même le décret de destitution et détient encore le sceau de l’Empire. En tout cas, il s’est substitué des prête-noms et dicte, au moment même où vont commencer les négociations, de nouveaux édits secrets d’après lesquels le but final et nécessaire est l’extermination des Européens.

Une telle conception de la fraternité internationale est un

  1. Traduction d’un décret envoyé par ce prince aux autorités de Changhaï et transmis de Changhaï au Daily Express.
  2. Télégramme du 27 juillet.
  3. Télégrammes du 3 et du 4 août.