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MATHIEU DE MORGUES
ET
LE PROCÈS DE RICHELIEU

Si l’on veut se donner, sous l’ancien régime, le spectacle de l’opinion publique dans toute sa beauté, nous voulons dire avec sa licence et son irresponsabilité, avec ses prétentions et son incompétence, avec sa crédulité et ses soupçons, ce n’est pas dans les corps qui la représentent légalement, États généraux et provinciaux, Assemblées des notables et du clergé, qu’il faut le chercher. Trop de freins, importance sociale, gravité, lumières des élus, solennité des délibérations, etc., y modèrent l’infatuation du sens propre et l’intempérance du langage ; ce spectacle, il faut le demander à ces écrits de circonstance, à ces livrets, comme on les appelait, qui ont préludé à la presse périodique, et où la verve de l’écrivain, grisé de la juridiction qu’il s’est attribuée sur toutes choses, n’est contenue ni par sa moralité, car sa plume est trop souvent mercenaire, ni par la crainte de la loi ou de la réprobation publique, car beaucoup de ces écrits sont anonymes. La puissance de cette littérature militante ne pouvait échapper au génie universel de Richelieu ; il s’en est servi dans l’opposition, il s’en est servi au pouvoir ; il lui a dû en partie sa fortune et peut-être, de la part de ses contemporains, une appréciation plus équitable de sa politique, de son gouvernement et de sa personne ; mais elle semble lui avoir fait payer assez cher ses services, car il n’est guère permis de douter qu’elle ait fourni plus d’un trait au personnage imposant, mais peu sympathique, à la figure presque