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ultérieurs avec le ministre. Il fut autorisé à traiter du siège dont il était l’évêque nommé, sinon institué ; à désigner celui qui l’occuperait à sa place ; à lui imposer l’abandon à son profit d’une partie du revenu de l’évêché. Sur ce revenu, qui était de 16 000 livres, il obtint d’Auguste de Forbin, en faveur de qui il renonça à la nomination du roi, une pension de 6 000, sans en compter une autre sur la collégiale de Pignan, au diocèse de Fréjus, dont son successeur était prévôt[1]. Cette solution indique chez Richelieu, sous les auspices de qui elle fut sans doute ménagée et dont, en tout cas, elle dut obtenir l’agrément, tout autre chose que de la malveillance. Le peu que nous savons de la vie de Mathieu de Morgues dans les années suivantes n’en témoigne pas davantage. Nous possédons deux lettres[2] de lui au cardinal, qui sont des plus instructives sur sa situation et sur les sentimens réciproques de l’un et de l’autre. Toutes deux, encore inédites, sont écrites de Saint-Germain-en-Velay, résidence patrimoniale de l’auteur, l’une le 7 octobre, l’autre le 10 novembre 1629). La première renouvelle les offres de service que celui-ci, — c’est elle qui nous l’apprend, — adressait de temps à autre à son correspondant. Elle le montre employant les loisirs de la solitude où il s’est retiré, avec la permission du cardinal, à admirer ses grandes actions, à repasser celles dont il a été témoin et, faute de « Mémoires » qui lui permettent de les présenter sous la forme plus ample de l’histoire, à essayer d’en faire la matière d’un panégyrique ; on l’y voit encore sollicitant une grâce qui n’est pas spécifiée. La seconde lettre nous fait savoir que cette grâce avait été accordée et d’une manière qui en relevait le prix. La vie retirée, que Mathieu de Morgues paraît, dans la première, avoir adoptée par un libre choix, prend, dans la seconde, un autre caractère : elle devient un poste où un supérieur l’a placé. Aurait-il été relégué dans son pays ? Il paraît certain, du moins, qu’on lui avait fait comprendre l’opportunité de s’éloigner, d’aller respirer l’air natal. La lettre se termine par les protestations du zèle le plus empressé. Veut-on sa vie ?… Veut-on seulement sa voix qui « a esté ouïe, durant dix-huit ans, dans toutes les églises de Paris ? » Sa plume, dont les fruits ont déjà obtenu l’approbation de son éminentissime correspondant ?… Il est prêt à tout. Obséquiosité, emphase, vantardise avec un grain de cuistrerie, voilà ce qu’on

  1. Peiresc à Dupuy, 1er août 1627.
  2. Original autographe. Archives des Affaires étrangères, France 797, fol. 139, 160.