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Mais, s’il ne doit plus avoir de représentans dans les conseils du gouvernement, les passions qui l’ont rendu populaire sont encore vivaces. La petite bourgeoisie et le bas peuple des villes n’ont pas oublié l’importance que la Ligue leur a donnée, les tyrannies de quartiers, la liberté d’intimider, de tracasser, de piller, de faire mourir les honnêtes gens, et, au fond du cœur, ils regrettent tout cela. Si éventé que soit le Catholicon d’Espagne, il n’est peut-être pas impossible, en soufflant sur les cendres encore chaudes du fanatisme ligueur, en profitant du courant de dévotion que propagent dans les classes inférieures tant de confréries et de couvens, de réveiller la vertu et la vogue de cette panacée démocratique.

L’abbé de Saint-Germain ne s’y emploiera pas. Il y a pour cela plusieurs raisons. C’est d’abord qu’il n’a pas dépouillé le vieil homme ; que son nouvel entourage et son nouveau rôle de champion officieux de la reine mère n’ont pu modifier en lui les sentimens primitifs que tout le monde lui a connus ; que le robuste bon sens qui compense chez lui l’absence de pénétration, de profondeur et de finesse ne lui permet pas d’être dupe de la chimère de la paix universelle et d’un concert, profitable à l’orthodoxie, inoffensif pour la France, entre les deux puissances rivales de l’Europe. C’est ensuite que la prospérité encore ininterrompue des entreprises de Richelieu, notamment de celles dont la religion a bénéficié, et l’harmonie de vues entre la France et le Saint-Siège ne semblent pas promettre beaucoup de succès à une campagne ultramontaine comme celle de 1624 à 1626. C’est enfin impuissance chez lui à présenter d’une façon coordonnée et spécieuse une conception condamnée, il est vrai, par la nature des choses, mais dont un esprit plus synthétique, un interprète plus ingénieux et plus éloquent, aurait pu dissimuler les faiblesses et faire valoir les illusions séduisantes. Tout cela explique pourquoi notre pamphlétaire n’a présenté que de biais, avec une sorte d’embarras et non avec l’ampleur réclamée par un pareil sujet, la seule politique qu’on pût opposer à celle de Richelieu, la seule à laquelle la reine mère pût lier sa cause personnelle. En éludant ce sujet, il a privé sa polémique de l’intérêt le plus élevé qui pouvait s’y attacher, Si décevante, si périlleuse qu’elle fut, l’idée de l’union des Bourbons et des Habsbourgs dans une œuvre commune, par le crédit dont elle avait longtemps joui, dont elle jouissait encore en France, par les avantages que la religion