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alourdi par une science mal digérée, et surtout l’aisance et la souplesse sont restées trop étrangères à l’alliage dont est formé son solide tempérament auvergnat. Mais il a l’ironie, cette grimace de la gaieté ; la grossièreté ne lui fait pas peur, et il a tiré de l’une et de l’autre des effets assez plaisans, bien que le naturel y manque.

C’est ce parti pris de bouffonnerie, cette langue farcie de quolibets, de jeux de mots et de locutions populaires, qui feront préférer à ses œuvres sérieuses des pamphlets tels que l’Ambassadeur chimérique, le Remerciement de M. le Cardinal, la Satire d’État, le Catholicon françois et même la Conversation de Me Guillaume. A un écrivain qui semble ne plus viser qu’à faire rire on ne demande pas compte de son insuffisance dans l’intelligence des questions, ni de sa mauvaise foi et de ses calomnies ; on ne lui demande que d’être amusant, et il faut reconnaître que notre auteur y réussit assez souvent. Deux fois aussi, il faut l’ajouter, dans deux livrets de peu d’étendue, le genre sérieux lui a porté bonheur. Dans les Derniers avis à la France par un bon chrétien et fidèle citoyen, le style, allégé de la rhétorique et du pédantisme habituels, grave, pressant, monte dans un véhément crescendo jusqu’à ce qu’il éclate en une adjuration finale à toutes les classes, à tous les corps de l’Etat contre la tyrannie qui l’opprime. Dans le Prophète françois à Mgr le cardinal duc de Richelieu, nous retrouvons l’ironie chère à l’abbé de Saint-Germain, mais jamais ce procédé n’avait été manié par lui avec un art aussi grand. Quand on a lu ces deux pamphlets, quand on les rapproche de la dialectique sobre et serrée qu’il a déployée contre Pierre du Moulin, on se figure que ce qui lui manqua pour rendre sa polémique digne de son grand adversaire et lui assurer l’intérêt de la postérité, ce fut moins encore peut-être le talent qu’une doctrine, un programme de politique et de gouvernement. Supposez-lui des convictions réfléchies sur les intérêts publics de son temps, elles auraient élargi le point de vue, augmenté la portée, élevé le ton de cette polémique, donné à sa manière, déjà douée de vigueur, de causticité, d’ironie et d’un certain sens du comique, le mouvement et la chaleur qui conduisent à l’éloquence.

On a vu plus d’un pamphlétaire outrager, aux dépens de ses adversaires, la justice et la vérité et sauver en partie, par la moralité et la dignité de sa vie, la considération que son improbité