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comme cherchant la guerre pour livrer à l’ennemi les places dont il avait le gouvernement ou s’en servir pour appuyer un soulèvement intérieur.

Chanteloube ne dissimula pas toujours sous le nom de la reine mère sa vieille animosité contre le cardinal ; il a publié aussi sous le sien une lettre au roi (1631) et une lettre à Richelieu. Dans la première, qui est une réponse aux lettres patentes qui avaient notifié aux gouverneurs de province la situation créée par la résistance passive de la reine mère à Compiègne, Chanteloube déclare que celle-ci n’aspire qu’à reconquérir les bonnes grâces de son fils et à vivre auprès de lui, et s’offre à prendre à la Bastille la place du médecin Vautier, dont les soins sont indispensables à sa maîtresse. La seconde présente les capucins comme se faisant, d’après les instructions du Père Joseph, les propagateurs des plus noires calomnies contre la reine mère, reproduit contre Richelieu l’accusation d’avoir trahi en 1620 à Angers celle dont il était censé servir la cause, lui reproche son ingratitude envers Vautier et La Vieuville, et dénonce, dans le panégyrique du cardinal d’Amboise publié par Hay Du Chastelet et où tout le monde reconnaissait Richelieu, l’aveu des visées usurpatrices de celui-ci.

Ces deux pamphlets attirèrent sur Chanteloube les rigueurs de la chambre de justice érigée à l’Arsenal le 14 juin 1631 et à laquelle s’était ajoutée, le 26 septembre, une chambre du domaine, établie à Troyes en vue de prononcer la confiscation des biens de ceux qui avaient suivi Gaston en Lorraine. Frappé par une juridiction d’exception, l’écrivain se fit de sa condamnation une arme contre ses juges, dont il qualifia la complaisance avec une légitime sévérité[1]. En même temps que l’indépendance de la justice, il sut intéresser à sa situation personnelle une autre grande cause, celle de la liberté de la presse. C’est bien elle qu’il défend sans la nommer, et presque sans le savoir, quand il revendique le droit de discuter et de critiquer les actes des ministres. Malheureusement, par la façon dont il les traite, par les récriminations banales et exagérées jusqu’à l’invraisemblance qu’il y môle, il compromet et trahit ces deux grands sujets, au lieu d’en tirer pour lui-même de la force et de l’éclat.

Pas plus que Mathieu de Morgues, Chanteloube n’eut donc l’honneur de diriger sur les points vulnérables de l’œuvre de

  1. Lettre du P. de Chanteloube aux nouvelles chambres de justice, Bruxelles, 14 août 1632. Pièces curieuses en suite de celles du sieur de Saint-Germain.