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cela tint moins encore à son incapacité et à son peu de popularité qu’à la lassitude des guerres civiles et à l’attachement à la royauté qui dominaient dans le pays. Autant l’intérêt et le plan de Richelieu étaient de laisser la reine mère s’user à l’étranger dans l’abandon et l’impuissance, autant il lui importait d’arracher l’héritier de la couronne aux ennemis de la France et de le ramener auprès du roi en satisfaisant ses exigences et celles de son entourage. Toujours à la veille de déserter son pays ou celui qui lui avait donné asile, toujours occupé à négocier une défection, Monsieur ne pouvait s’attacher des serviteurs aussi dévoués à sa cause qu’ils l’étaient à celle de sa mère. Cette cause a inspiré des déclarations officielles, des manifestes, non ce qu’on peut appeler une campagne de presse ; et le foyer d’intrigues dont Gaston a été le centre, beaucoup plus grave pour la sécurité du pays, a été beaucoup moins fécond pour la littérature militante.

Celui qui se chargea de faire parler ce prince, quand il eut besoin de faire appel à l’opinion, fut un personnage bizarre, dont la tête ne passait pas pour bien saine, dont Richelieu avait cru acheter l’influence auprès de son maître par une charge de président à mortier qui n’avait rien coûté à son titulaire et par une promesse de présentation au cardinalat, le président Le Coigneux. Il est nécessaire de rappeler les circonstances dans lesquelles les déclarations et les manifestes publiés sous le nom de Monsieur et dus à la plume de Le Coigneux ont été écrits. Gaston s’est retiré dans son apanage, à Orléans, et cherche à réunir l’argent et les troupes nécessaires pour tenter une prise d’armes, tandis qu’à Compiègne, la reine mère, avec qui il est d’intelligence, se dérobe à toutes les instances pour l’amener à se retirer dans une ville de son douaire et affecte les apparences d’une prisonnière. Louis XIII marche sur Orléans. Son frère n’est pas prêt à la lutte, il ne le sera jamais. Le 10 mars 1631, Le Coigneux rédige en son nom une lettre où se manifestent les alarmes du prince, ses dispositions pacifiques, et le désir d’arrêter la marche de l’armée royale. Le porteur de cette lettre, Chaudebonne, est chargé d’offrir verbalement l’éloignement de Le Coigneux. Gaston, qui s’est assuré l’appui du duc de Bellegarde, gouverneur de Bourgogne, bat en retraite dans cette province et entre à Seurre, dont cette complicité lui ouvre les portes. Le roi le poursuit, fait enregistrer à Dijon, le 30 mars, des lettres patentes déclarant criminels de lèse-majesté les fauteurs de la rébellion, Le