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les anarchistes. L’unanimité sur la suppression des armées permanentes n’est donc pas sincère. Le Congrès a décidé d’organiser une propagande antimilitariste uniforme parmi les jeunes gens appelés au service militaire. Les jeunes gardes en Belgique, où la conscription n’est pas encore abolie, ce qui explique le succès de cette organisation, pourraient servir de modèle. Demeurons persuadés, d’ailleurs, que, si les social-démocrates arrivaient au pouvoir en Allemagne, ils n’auraient rien de plus pressé que de maintenir une armée forte. Car il n’est pas probable que les cosaques passent aussi vite au collectivisme, et la frontière allemande est toute grande ouverte de leur côté. Cette propagande n’est dangereuse qu’en France, où elle pourrait avoir pour complice et pour instrument un ministre de la guerre[1].

Les social-démocrates professent l’horreur des entreprises coloniales qui ne sont à leurs yeux que des entreprises et des exploitations capitalistes. Un socialiste français donnait un jour une autre raison à cette hostilité : c’est que les colonies servent de soupape de sûreté ; les hommes hardis, aventureux, vont y chercher fortune, diminuent le nombre des mécontens et des militans. Pour un motif ou pour un autre, on a donc protesté au congrès de Paris contre la politique coloniale, et les orateurs véhémens ont été très applaudis. Un bourgeois hollandais, M. van Kol, qui a habité Java, trace un sombre tableau des méthodes d’enrichissement de ses compatriotes aux colonies. MM. Hyndmann, Burrow, Pelé Curran flétrissent en termes énergiques, au nom de milliers et de milliers de travailleurs anglais, le brigandage contre les Boers, la rapacité qui affame les Indes, en un mot, tous les crimes de l’Impérialisme. Un député français, M. Sembat, est venu se défendre du soupçon d’avoir voté des subsides pour la guerre de Chine. Il faut laisser en paix les frères chinois et combattre les bourgeois, les seuls ennemis. Le remède que l’on préconise contre l’exploitation coloniale c’est l’organisation des travailleurs coloniaux, de même que celle des marins,

  1. Citons à titre de curiosité ce passage de M. Paul Lafargue : » La paix conclue, les internationaux français, quoique demandant l’abolition des années permanentes et leur remplacement par des milices nationales, ont accepté les charges écrasantes qui s’imposent à la France pour réparer ses forces et reconquérir le rang de première puissance militaire, car les socialistes internationaux de tous les pays veulent la France non seulement une et indivisible, mais forte cl puissante, et cela dans l’intérêt de la Révolution sociale. » Socialiste du 10 juin 1893.