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un peu de roulis dans la tête, et, dans certains quartiers, il n’y avait pas jusqu’au silence de la ville à peine éveillée qui ne me fit songer vaguement d’Amsterdam ou de la Haye bien plus que d’Amérique. Une autre impression de New York, que je conserve très nette, est celle du mouvement du dimanche, aux environs de la 154e ou 155e rue : rien ne ressemblait moins à un dimanche anglais, à un dimanche de Londres, et j’aurais pu me croire à Paris, du côté du boulevard des Batignolles ou de l’avenue Trudaine. N’est-ce pas là ce que voulait dire, il y a trente ans, sir Charles Dilke, quand il trouvait à New-York « un cachet latin très marqué ? » Il disait encore : « La démocratie de l’Etat-Empire est du type français, non du type anglais ou américain. » M. Edmond de Nevers ajoute qu’un peu avant la guerre de l’Indépendance, « les huguenots (français) constituaient à New York la classe la plus riche de la population. » Ils y étaient assez nombreux, dit de son côté l’historien Bancroft, « pour que les documens publics fussent souvent rédigés en français, de même qu’en hollandais et en anglais. » Et en effet on estime qu’à cette date, aux environs de 1776, pour les Hollandais, — dans les trois États du New York, du New Jersey et du Delaware, — le chiffre pouvait s’en élever à 100 000 âmes. Quelques années auparavant, en 1750, un témoin digne de foi nous assure qu’Albany, — c’est, on le sait, la capitale de l’Etat de New York, — était une ville entièrement hollandaise : « Les habits sont anglais : la langue et les manières y sont demeurées hollandaises. »

Traversons maintenant l’Hudson : nous entrons en Pensylvanie. Quis primus ? Quel a été le colonisateur de la Pensylvanie ? William Penn, répond l’histoire ; et du haut de l’hôtel de ville de Philadelphie, sa statue colossale domine et protège encore son œuvre. Mais prenons-y garde : toute une partie de Philadelphie, qui en faisait bien la moitié en 1776, s’appelle toujours Germantown ; et nous savons d’autre part que, lorsque William Penn entreprit, en 1678-1679, le voyage d’outre-Rhin, ce fut « afin d’y recruter des colons pour son domaine de Pensylvanie. » Il y réussit. Des Allemands le suivirent en nombre, par dizaines de mille, et on a calculé qu’en 1742, ils étaient plus de 100 000. Quelques années plus tard, — si nous en croyons un témoin dont le livre, paru en 1786, est tout à fait étranger à nos préoccupations ethnographiques ou « nationalistes, » — « il serait débarqué, en 1759, à Philadelphie environ 2200 émigrans venant