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très vive ; les volontés en seront-elles changées ? Il est permis de ne pas le croire, et c’est bien pourquoi l’Angleterre montre cette impassibilité, d’ailleurs élégante, qui se changerait en colères furieuses, si elle pouvait craindre qu’il n’en fût autrement.

Le président Krüger emportera de France l’impression que nous sommes restés les mêmes : les circonstances seules ont varié autour de nous. Dans la prudence que nous montrons, il y a peut-être un respect plus délicat de son malheur ; car nous ne voulons pas lui promettre plus que nous ne pouvons lui donner, ni entretenir chez lui des illusions qui, en se dissipant, nous laisseraient une responsabilité cruelle. Nous ne lui avons jamais adressé de télégramme décevant : nous lui avons toujours indiqué les limites, malheureusement restreintes, dans lesquelles notre bonne volonté devait s’exercer et s’enfermer. Mais, lorsqu’il dit que sa cause est juste, nous le croyons avec lui, et rien ne saurait nous empêcher, dans nos rues et sur nos places, d’accourir au devant de lui et de lui témoigner notre estime. Il ne quittera pas la France sans en avoir senti battre le cœur. Il ira ensuite en Hollande où la jeune reine Wilhelmine lui a déjà souhaité la bienvenue avec la bonne grâce et la générosité de sa jeunesse. Nous doutons pourtant qu’il rencontre nulle part des sympathies plus sincères, ni même plus chaleureuses que chez nous.


Nous avons dit un mot de la discussion du Reichstag allemand sur les affaires de Chine : il y en a eu une aussi à notre Chambre des députés, où M. Delcassé a prononcé un discours très applaudi. En Angleterre, le Parlement ne parle pas, pour la bonne raison qu’il n’est pas réuni. Chose curieuse : dans ce pays où est né le parlementarisme, et qui nous en a donné des exemples devenus partout classiques, on n’éprouve aucun besoin de rassembler les Chambres au lendemain d’élections générales, et pendant que se poursuivent en Chine les événemens les plus graves. On pourrait, à ce point de vue, établir un contraste piquant entre l’Angleterre et l’Allemagne. Le Parlement ne passe pas, dans ce dernier pays, pour être la force politique prépondérante : cependant, les orateurs de l’opposition se sont plaints avec aigreur de ce que le Reichstag n’avait pas été convoqué plus tôt, et de ce qu’une expédition militaire avait été engagée en Extrême-Orient sans son approbation et son concours. M. de Bulow a répondu très volontiers qu’on avait eu tort, mais qu’il n’en était pas responsable, et que les choses ne se passeraient plus ainsi maintenant qu’il était chancelier. Le Reichstag a été tellement satisfait devoir ses droits