Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/793

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est donc pas dans notre pays aussi récent qu’on le croit. Pour bien faire, il n’y a qu’à le définir et le limiter.

Au Congrès d’Assistance publique, qui a coïncidé, en 1889, avec la précédente Exposition, définition et limitation nous paraissent avoir été assez heureusement trouvées et posées en ces termes-ci : « L’Assistance publique est due, à défaut d’autre assistance, à l’indigent qui se trouve, temporairement ou définitivement, dans l’impossibilité physique de pourvoir aux nécessités de l’existence. »

La formule me paraît irréprochable. Remarquons d’abord que par ces mots : « à défaut d’autre assistance, » non seulement elle accepte la coexistence de la bienfaisance privée, mais elle en suppose même la préexistence, proclamant ainsi que c’est à la bienfaisance privée à agir d’abord, et que, à son défaut seulement, l’assistance publique intervient. L’assistance publique n’est ainsi, je ne voudrais pas dire qu’un pis aller, mais qu’un remède à l’insuffisance de la bienfaisance privée, et c’est là un point acquis très important.

En second lieu, cette formule limite très sagement l’assistance obligatoire à ceux qui sont dans l’impossibilité physique de pourvoir à leur existence. L’impossibilité physique est un fait facile à apprécier, qui ne prête guère à supercherie. En refusant l’assistance, ou du moins l’assistance obligatoire à ceux qui ne sont pas victimes d’une misère physique, cette formule élimine tous ceux qu’en Angleterre on appelle les able-bodied et que, dans certains cas, on admet cependant au work-house, c’est-à-dire les victimes du chômage, de l’insuffisance du salaire, de l’imprévoyance ou d’autres causes encore. Pour ceux-là, c’est à la bienfaisance privée ou même à l’assistance publique, mais facultative, de s’en occuper. Ils ne rentrent pas dans une catégorie précise et déterminée que la loi puisse indiquer.

Le vote de cette formule par le Congrès de 1889, et l’influence qu’elle a exercée, peuvent servir de réponse aux sceptiques et aux railleurs qui ne croient pas à l’influence des congrès. Dans le discours d’ouverture qu’il a prononcé au Congrès de 1900, M. le Directeur de l’Assistance et de l’Hygiène publiques a pu dire avec vérité : « Cette formule est devenue la pierre angulaire sur laquelle le Conseil supérieur et l’administration de l’Assistance ont bâti leurs projets de réforme. » Avec un esprit de suite et une vigueur d’impulsion à laquelle il convient de rendre hommage, M. Monod