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plus étroite et les divisions, les rivalités et les ambitions particulières doivent s’effacer devant l’intérêt supérieur de l’humanité. C’est à l’Europe, au lendemain du jour où les hôtels de ses ministres, inviolables comme les ministres eux-mêmes, ont été criblés d’obus ou réduits en cendres, d’empêcher le retour de ces forfaits. Personne ne pouvant plus imaginer que les pouvoirs publics chinois se croient obligés de protéger nos légations, les puissances doivent les dessaisir de ce droit et l’exercer pour leur propre compte.

MM. Hanotaux et Delcassé se sont acquittés d’un devoir international non moins impérieux, quand ils ont, à l’exemple de leurs prédécesseurs, tenté plusieurs fois de prévenir par une répression rapide et vigoureuse le massacre de nos missionnaires et la destruction de nos chrétientés. D’abord, ces prêtres ne perdent pas la qualité de Français parce qu’ils s’exposent à la mort pour enseigner l’Evangile. Ensuite, nous défendons par surcroît la plus noble des causes : la liberté religieuse, noyée dans des flots de sang. Nos protégés, plus d’un million d’hommes, indigènes et nationaux, sont ici sur le même plan, car les chrétiens persécutés se serrent les uns contre les autres et, dans l’ivresse du carnage, les soldats chinois, irréguliers ou réguliers, sont incapables de faire un triage. Nous ne demandions d’ailleurs qu’à laisser faire la Chine, puisqu’elle nous avait promis par un traité formel la sécurité, le libre exercice des pratiques religieuses pour les membres « de toutes les communautés chrétiennes, » une protection efficace pour tous les missionnaires. Il appartenait au gouvernement chinois de lever toutes les entraves au droit qu’il reconnaissait expressément par un pacte synallagmatique à « tout individu en Chine » d’embrasser et de pratiquer le christianisme. Si la charge lui semble trop lourde et s’il méconnaît sa parole, c’est à l’autre contractant d’agir, même de vive force. Ce gouvernement s’est appliqué lui-même à restreindre sur son territoire la jouissance et l’exercice de sa propre souveraineté.

Mais par quels moyens coercitifs les États civilisés atteindront-ils leur but ?

Sans doute, ils obtiendront des excuses, selon l’usage, ou même des cérémonies expiatoires, ainsi que le propose l’empereur Kouang-sou. Mais, ainsi que l’a dit très bien l’empereur allemand, il y a des taches immenses qu’on n’efface pas, des blessures profondes qu’on ne guérit pas avec des libations. Sans