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cette illustre carrière, tandis qu’un artiste d’une science et d’une sagacité rares, doué par la nature d’une sorte de seconde vue qui lui permet de ressaisir le passif, comme s’il avait été le contemporain des scènes qu’il représente, M. Maurice Leloir, a voulu appliquer cette faculté de divination et de résurrection à la vie du grand cardinal. C’est M. Hanotaux, l’historien de Richelieu, qui, dans un éloquent avant-propos, engage les jeunes gens à contempler ces scènes historiques, où la robe rouge apparaît à chaque page, qu’elle domine de sa note éclatante, et auxquelles elle donne une grave et tragique unité. Nous ne saurions mieux faire que de reproduire l’opinion d’un aussi bon juge ; elle portera bonheur à cette magnifique publication où le talent de M. Leloir s’est surpassé.

Nous pouvons rapprocher l’un de l’autre deux élégans ouvrages qui se complètent en quelque sorte l’un l’autre : Don Quichotte[1], et Au pays de Don Quichotte[2]. Elle est encore d’aujourd’hui la sombre histoire qui se laisse lire sous les voiles transparens de l’allégorie romanesque ; elle n’a jamais été plus vraie qu’en ce moment où apparaissent les dangers de l’héroïsme et de la générosité ; où il n’est pas bon de combattre pour la délivrance des princesses enchantées et la vengeance des opprimés ; où tous les échos de l’Europe crient encore le mot cruel qui acheva le cœur de don Quichotte à sa rentrée au village : « Elle est morte ta dame, et tu ne la reverras plus ! » Mais si, presque partout, l’esprit chevaleresque est mort, et bien mort, si les hommes aiment mieux rester les chevaliers du passé et de l’avenir, don Quichotte est toujours un des nôtres et, comme on l’a dit éloquemment, « c’est un frère en humanité, nous pouvons pleurer sur lui, rire et nous égayer avec lui, sa générosité en fait notre champion. » Le noble enthousiasme de sa vie trouve encore son application dans la vie de chacun de nous. Le livre amer et doux de Cervantes offre un thème inépuisable à la fantaisie de l’artiste, et, dans cette édition un peu trop écourtée, — mais c’est pour le mettre aussi à la portée de la jeunesse, — M. Henri Morin a su trouver plus d’une inspiration originale.

Dans les vivans souvenirs rapportés d’Espagne par M. Auguste Jacacci, c’est la topographie vivante, pour ainsi dire, du pays qui donna naissance à la légende de Don Quichotte et qui vit ses exploits

  1. Don Quichotte de la Manche, par Michel Cervantes Saavedra, 1 vol. in-4o. illustré en noir et en couleurs, par M. Henri Morin : Henri Laurens.
  2. Au Pays de don Quichotte, par M. Auguste F. Jacacci, 1 vol. in-8o illustré, par M. Daniel Vierge : Hachette.