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Son langage a continué d’être prudent et réservé, mais il a pris un accent de plus en plus attristé. Enfin, il a quitté cette terre d’Allemagne qu’on avait rendue pour lui inhospitalière, et il est allé chercher un refuge en Hollande, où il était sûr de trouver, sinon un concours qui ne pouvait plus servir à rien, du moins un accueil sympathique et affectueux.

L’empereur Guillaume ne saurait se le dissimuler, la manifestation à laquelle il s’est livré contre un malheureux sans défense n’a pas paru d’accord avec l’espèce de magnificence souveraine dont il se plaît ordinairement à entourer ses actes. Il aime aussi, à la vérité, à faire étalage de sa force ; mais l’occasion était-elle bien choisie pour cela ? S’il a cru qu’on lui saurait gré en Angleterre de ce qu’il y a eu dans sa démarche de net, de péremptoire et de cassant, il semble bien s’être trompé. Personne ne lui demandait d’en faire autant ! Personne même ne l’aurait attendu de sa part ! S’il a voulu détruire les dernières traces du télégramme malencontreux qu’il a écrit autrefois au président Krüger, sans doute il y a réussi ; mais il n’était pas nécessaire de faire une rature aussi forte sur un papier où tout était déjà bien effacé ! Ce qui frappe le plus ici, c’est la parfaite inutilité de la violence morale qu’il a faite à M. Krüger : en pareil cas, il faut se borner à l’indispensable, et l’Empereur avait cent manières d’atteindre le même but par d’autres procédés.

Une discussion a eu lieu à ce sujet au Reichstag ; elle a été assez pénible. M. Sattler, au nom du parti national libéral, et M. le comte de Limburg, au nom du parti conservateur, ont exprimé le regret que le président Krüger n’eût pas rencontré de la part du gouvernement allemand les égards qu’il méritait. M. le comte de Bulow a répondu de son mieux, mais nous doutons qu’il ait vraiment satisfait la conscience intime de ses auditeurs, n’a fait, à sa façon, le récit rétrospectif des rapports de l’Allemagne avec la République sud-africaine. Qu’en résulte-t-il ? Que la chancellerie impériale a donné autrefois à la petite République des conseils qui n’ont pas été suivis. Elle a cru, par exemple, à un certain moment, qu’un arbitrage aurait pu se produire opportunément ; mais, alors, le Transvaal ne s’y est pas prêté. Nous doutons, pour notre compte, qu’à un moment quelconque l’Angleterre eût accepté un arbitrage. Plus tard, le président Krüger a cru à son tour qu’une médiation pourrait intervenir avec efficacité ; mais, alors, l’Allemagne ne l’a plus pensé, et l’Angleterre, discrètement pressentie par les États-Unis, a fait entendre qu’elle ne s’y prêterait pas. Le chancelier de l’Empire en conclut qu’on ne devait pas « mettre le doigt entre la