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A quatre heures du matin, la troupe investit la maison en silence. Au moment où la porte s’ouvre au jour, comme à l’ordinaire, par une femme de l’intérieur qui ne se doutait de rien, la troupe outre et trouve tout le monde au lit. Elle entend du bruit sur sa tête et un mouvement précipité. L’officier demande de la lumière, qu’il n’obtient qu’après beaucoup de menaces.

« Dans cet intervalle, le citoyen Delaigne, brigadier de la gendarmerie, aperçoit par une ouverture la clarté d’une lampe, qui est éteinte sur-le-champ, et, regardant vers l’endroit où il l’avait aperçue, il remarque un trou par lequel un homme peut passer à peine. Le bravo Delaigne entre et se trouve dans une caverne où, aussitôt qu’il a pénétré, un des brigands, — l’ex-marquis de Surville, — le prend par les cheveux et, lui tenant une espingole sur la poitrine, lui dit :

« — J… F…, tu es mort, si tu parles !

« Le brigadier s’écrie :

« — Chasseurs, je suis perdu ; mais faites rôtir tous les gueux qui sont ici.

« Dans cette caverne, à l’instant, l’officier Meusnier fait braquer toutes les armes sur l’ouverture et ordonne aux brigands de lâcher le brigadier, s’ils ne veulent tous périr. Enfin, sur sa promesse et celle de Delaigne de leur ménager la vie, ils sortent, quoique avec beaucoup de peine, un à un, de leur caverne, au nombre de quatre, et sont enchaînés de même et amenés à Craponne, d’où, le lendemain, ils prennent la route du Puy, escortés par le même détachement et vingt-cinq hussards du 9e régiment. » En envoyant au gouvernement le rapport de son subordonné, le général Pille l’annotait en ces termes : « Le dévouement généreux du brave Delaigne est digne des plus grands éloges. Il renouvelle le trait de d’Assas à Clostercamp. Mais, en attendant qu’il reçoive la récompense qu’il mérite du gouvernement, il faut que d’Assas-Delaigne trouve ici, ainsi que le lieutenant Meusnier, son détachement et les gendarmes, le témoignage public de la satisfaction du général divisionnaire qui saisit cette occasion pour féliciter de nouveau de leur zèle infatigable toutes les troupes et la gendarmerie de sa division. »

Quoi qu’on pensât le signataire de ces appréciations excessives, la victoire avait été plus facile qu’il ne disait, et, sauf le trait de courage du brigadier, n’avait pas exigé un bien grand héroïsme, Epuisés par les fatigues de leur vie nomade et les