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plus tard. Quelques-uns de ces peuples copièrent son organisation, apprirent ses industries ; tous voulurent avoir part aux élégances de sa civilisation et subirent son ascendant. Centre d’où rayonnait tout ce qu’il y avait d’art et de science dans la moitié orientale de l’Asie, foyer de la propagande bouddhique qu’elle avait d’abord accueillie, puis à son tour continuée, source de richesses naturelles et fabriquées, la Chine domina souvent par les armes et la diplomatie, toujours par l’industrie et l’intelligence, tout le monde connu d’elle, monde dont elle emplissait en réalité la plus grande partie. Car, au-delà des barbares soumis à son influence ou à son autorité, de l’autre côté des océans, des montagnes, des déserts, il existait sans doute encore des hommes, voire des empires : mais l’éloignement, la difficulté et la lenteur des voyages faisaient de ces peuples une autre humanité, de ces régions les confins à demi fabuleux de l’univers. Isolé et par la configuration du sol, et par sa propre supériorité intellectuelle, il n’est pas étonnant que le Chinois ait conçu de lui-même un contentement exagéré où il était déjà porté par la nature de son esprit, qu’il ait tenu l’étranger pour un barbare, ignorant, sans lois, sans droits ; deux mille ans de cette orgueilleuse solitude l’ont rendu presque incapable de voir ; car l’Annam et la Corée copiaient la Chine leur suzeraine, le Japon vivait isolé par ses mers, ses luttes internes, sa politique ; au XIXe siècle seulement, le développement économique et les inventions industrielles ont établi le contact permanent entre la Chine et l’Occident et le reste du monde.

Toutefois l’expansion maritime de l’Europe au XVIe siècle avait déjà raccourci les distances et jeté sur les côtes extrêmes de l’Asie des hommes hardis qui, par leurs entreprises et celles de leurs successeurs pendant trois siècles, fournirent aux Chinois la première occasion d’apprécier notre monde moderne. A l’époque où Cortez renversait l’empire des Aztèques, où les Vasco de Gama et les Albuquerque venaient de soumettre différens princes sur les côtes des Indes et de la Malaisie, les Portugais arrivaient à Canton (1517), y étaient assez bien accueillis et obtenaient d’envoyer une ambassade à la Cour. Mais, émules des grands pirates qui fondaient les colonies de l’Espagne et du Portugal, ils ne s’aperçurent pas qu’ils n’avaient pas affaire à des Américains, des nègres ou des Hindous, et, dans cet État organisé, ils voulurent parler en maîtres, acheter des esclaves, résister