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aux lois par la force ; ils furent aussitôt chassés de Canton, leurs envoyés furent emprisonnés (1522 ou 1523), puis relégués dans des provinces éloignées, où le principal, Pirez, se maria et acheva ses jours. Plus tard, établis à Ning-po, ils furent massacrés pour avoir fait violence à des femmes indigènes (1545) ; de même ils furent chassés d’Emoui, de Tshiuen-tcheou (1549) ; enfin, des trois localités qu’ils avaient occupées dans les environs de Canton, Macao seul leur resta : on leur abandonna cet endroit désert, où ils construisirent une ville et où, moins arrogans que par le passé, ils acceptèrent la surveillance la plus rigoureuse des mandarins. En 1844 seulement, ils furent autorisés à construire de nouvelles églises et exemptés de l’ingérence des autorités chinoises dans les affaires de la ville ; mais ce n’est qu’en 1887 que la propriété en fut reconnue au Portugal. Jusque-là, les Portugais étaient seulement tolérés ; on peut s’expliquer cette tolérance par l’infime importance d’une poignée d’étrangers installés au bord de la mer, sur les confins d’un immense empire, aussi bien que par les profits de toute nature qu’apportait aux mandarins et à la population le commerce d’outre-mer. Mais, si les Chinois, moins patiens et plus prévoyans, avaient dès l’abord réglé plus nettement la situation de ces premiers étrangers et de ceux qui les suivirent, le cours de l’histoire chinoise eût pu être changé. Les Hollandais, en 1622, attaquèrent Macao, puis s’établirent aux Pescadores, d’où, sur l’ordre des Chinois, ils se retirèrent à Formose, encore sauvage et indépendante. Les Anglais, en 1637, débutèrent par s’emparer des forts de Canton. Les relations entre Chinois et étrangers étaient à peu près celles de pirates qui attaquent et d’habitans qui se défendent ; parfois ceux-ci, instruits par les violences précédentes, ouvraient le feu, repoussaient les vaisseaux, enfermaient les envoyés. Les Hollandais, à Batavia, répondaient à des soupçons de conspiration par le massacre des Chinois ; à Manille, les Espagnols avaient institué un système de surveillance, d’oppression qui inspira peut-être l’organisation des marchands hannistes de Canton. Les Européens, entre eux, usaient des mêmes procédés qu’envers les Chinois ; les intrigues, la calomnie, la piraterie, les attaques jusque dans les eaux chinoises étaient fréquentes et bien faites pour donner aux Asiatiques une juste idée de la concorde régnant alors en Europe. Parfois les étrangers se montraient aussi souples qu’ils avaient été arrogans ; les coupables de meurtre étaient livrés à la justice