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international qui n’est pas le leur, alors que nos intérêts le méconnaissent si facilement ? Un article de notre credo international, c’est le droit des peuples civilisés à commercer partout suivant leurs propres usages. » Incontestable du point de vue desdits peuples, l’utilité du commerce extérieur est réelle même pour les autres, pourvu toutefois que ces derniers soient assez fortement organisés pour supporter l’état économique plus avancé que nous leur imposons. C’est ainsi que la nation japonaise, avec son unité profonde et son admirable ressort, a presque immédiatement tiré avantage de la transformation subie d’abord et bientôt consentie. Mais la Chine actuelle, issue d’une évolution qui n’a eu de pareille ni au Japon ni en Europe, n’est pas prête pour notre régime économique et social : sans tenir compte de ses répugnances légitimes, on a d’abord ouvert ses ports et ses villes les uns après les autres ; depuis 1895, et tout à la fois, on a voulu la sillonner de trains de chemin de fer et de bateaux à vapeur, la couvrir d’usines, éventrer ses mines, bouleverser ses coutumes. L’Angleterre prétendrait-elle de même imposer ses habitudes économiques à la Russie, ou l’Allemagne aux Etats-Unis ? En agir autrement avec la Chine était peu généreux et peu profitable. Si la Chine n’était pas prête, il fallait la préparer, et je sais bien que la persuasion n’y eût pas suffi : du moins fallait-il agir avec moins de hâte et plus de discernement. Notre impatience et notre brutalité ne sont pas de nature à donner une haute idée d’une civilisation qui ne trouve pas d’autres argumens.

Malheureusement, la conduite individuelle des Européens ne peut parfois que confirmer les Chinois dans leur antipathie. Je ne parle pas des vols, des actes de violence et d’immoralité qui sont commis dans toute agglomération humaine. Encore est-il fâcheux de voir des étrangers proposer à d’honnêtes indigènes qu’ils ont à leur service un rôle de pourvoyeur de plaisirs qui n’est pas plus estimé en Chine qu’en Europe. D’autres, après avoir fait sur le paquebot étalage de sentimens humanitaires, dès la première escale chinoise, encouragent de la canne les coulis qui tirent leur dzinrikcha ou portent leur chaise ; d’autres, explorant quelque province de l’intérieur, se frayent à coups de fouet un passage sur une route encombrée. Mais que dire, quand un personnage, muni des meilleures recommandations pour un résidant européen de l’intérieur, use de l’hospitalité qu’il reçoit