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suffit-il à justifier les profits d’une industrie aussi vaste ; ces gains, au contraire, seraient-ils disproportionnés avec le service rendu ? Peu importe. Seulement, par la force même des choses, par les frais généraux qui lui incombent, cet organisme est amené à vendre, bien que de façon détournée, à des prix exorbitans, le crédit de six mois qu’il procure. L’ouvrier ou l’employé, qui placerait à la caisse d’épargne l’argent nécessaire à ses acquisitions, éviterait une pareille surcharge ; mais beaucoup n’auraient pas le courage d’économiser par avance pour acheter l’objet convoité et seront néanmoins capables, une fois l’achat réalisé, de s’acquitter peu à peu de leur dette. Le système a donc un côté moralisateur, mais il coûte trop cher.


V

N’est-il pas possible de faire des avances d’argent à la masse besogneuse à des taux moins élevés, et sans exiger le dépôt d’un gage dont la jouissance est enlevée à l’emprunteur ? Telle est la question que s’efforce de résoudre une institution, nouvelle encore dans notre pays : celle du prêt populaire coopératif.

L’Allemagne, la Belgique, l’Italie, l’Autriche, nous ont de beaucoup devancés sur ce terrain. Il y a plus de cent ans, la Prusse faisait les premières applications de la mutualité au crédit foncier, au moyen de ses landschaften, pour les étendre, en 1850, au crédit personnel urbain et agricole. La France devait rester longtemps étrangère à cette idée, qui se répandit dans l’Europe ; centrale et jusqu’en Russie. Certaines de nos communes rurales avaient fondé, au XVIIIe siècle, pour l’usage de leurs habitans, des monts-de-grains, qui prêtaient à Noël la semence aux laboureurs, moyennant un intérêt de 5 pour 100, payable au mois de septembre, en nature, au moment de la restitution du grain emprunté. Ces « monts-frumentaires, » administrés par le châtelain, le curé, les consuls élus et les cultivateurs notables, avaient disparu, sans laisser même le souvenir de leur existence, lorsque apparut, sous le second Empire, la première société de banque populaire. Quelques ouvriers parisiens eurent l’idée de mettre en commun leurs économies, pour se procurer mutuellement le crédit. Ils agissaient en secret, comme des conspirateurs. Les réunions. raconte l’un des fondateurs, « étaient difficiles et dangereuses.