Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

m’a toujours paru l’un des signes les meilleurs et les plus caractéristiques de son pontificat.


IV

La saison d’été était déjà assez avancée et, tous mes collègues s’étant plus ou moins dispersés aux environs de Rome, nous en profitâmes pour aller passer quelques semaines à Pérouse, dans une maison de campagne que le Saint-Père avait occupée pendant les deux dernières années qui avaient précédé son pontifical. Son propriétaire fut bien aise de la louer à un des ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Père, qui, de son côté, parut charmé d’apprendre que, en nous éloignant de lui, pour quelques semaines, nous allions retrouver à Pérouse son souvenir et pour ainsi dire sa présence. L’habitation était située à une dizaine de minutes de la ville, dans une charmante position. La vue y était superbe, et je n’oublierai jamais ces beaux couchers de soleil sur les montagnes de l’Ombrie, qu’il illuminait successivement, au moment de disparaître. On comprend que l’école du Pérugin en soit sortie et ait éclairé, à son tour, le monde de la peinture et des arts. L’air y était délicieux le matin et le soir, et nous pensions bien souvent au sacrifice réel que le Saint-Père avait dû faire au bien de l’Eglise, en quittant la douce brise de Pérouse pour aller s’établir au Vatican. Et puis, si cette ville rappelle le souvenir de bien des luttes du moyen âge, quelles idées de paix n’éveille-t-elle pas aussi ! A peu de distance de là, se trouve cette cité d’Assise, dont le bienheureux François a immortalisé le nom. On croit l’y voir se promenant dans la campagne et apprivoisant, selon la légende, le loup qui la dévastait. Il semble que l’on entende les oiseaux chanter encore autour de lui et saluer en cœur ce nouveau bienfaiteur île l’humanité. Pourquoi, en effet, refuser ce titre à des hommes qui n’ont jamais eu en vue que le bien de leurs semblables et jeter sur eux un regard de haine, ou simplement de défiance ? Ils se sont proposé le noble but de captiver l’humanité en s’en faisant aimer, tandis que d’autres n’ont jamais cherché qu’à s’en faire craindre pour l’exploiter ou l’asservir.

Ces pensées ne pouvaient qu’être agréables au Saint-Père, et, ayant eu à lui remettre, vers la fin de septembre, des lettres du Président de la République demandant l’institution canonique