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commandées par millions. Aussi longtemps que ces frais continuent sur un pied démesuré, on peut ne pas songer à l’état dans lequel se trouveront les autres industries nationales, livrées à elles-mêmes, ou celles qui ne reçoivent pas de commandes gouvernementales. Mais, à mesure que se succèdent les mois, la difficulté de continuer à dépenser sur le même pied croîtra vite, en raison de la peine qu’on éprouve à se procurer les fonds. »

Quel sera, d’autre part, l’effet produit sur les sources vitales de la fortune anglaise, sur ce commerce et cette industrie dont la prospérité peut seule assurer le maintien de sa situation dans le monde, son agriculture étant notoirement insuffisante et inapte à nourrir sa population ? Nous avons déjà, l’ait connaître à quels rudes assauts ses houillères et, ses usines métallurgiques sont en butte[1]. La hausse actuelle du combustible fait que les mineurs du Pays de Galles ne se préoccupent pas beaucoup de la concurrence américaine, qui vient vendre des charbons dans divers ports d’Europe, où n’avaient été importés jusqu’à ce jour que ceux de Cardiff ; il semble que chaque pays, inquiet de l’épuisement possible de ses réserves en « diamans noirs, » ne soit pas en ce moment désireux d’en activer l’exportation. Mais, si les propriétaires de charbonnages gallois n’élèvent pas encore de plaintes, il n’en est pas de même des établissemens métallurgiques du Royaume-Uni, qui tournent des regards anxieux vers les forges et usines de Pensylvanie et de l’Illinois. Celles-ci paraissent en voie de régenter dans le monde les prix du fer et de l’acier ; elles offrent leurs produits sur des marchés dont la Grande-Bretagne se croyait la maîtresse incontestée. Les charges que la guerre du Transvaal va imposer aux contribuables anglais se traduiront par une augmentation du prix de revient de ses objets manufacturés, qui auront d’autant plus de peine à soutenir la lutte avec ceux qui viendront de pays plus favorisés.

Quant au commerce, voilà plusieurs années que la concurrence allemande gène et inquiète nos voisins ; on n’a pas oublié le célèbre Made in Germany (fait en Allemagne) qui a jeté l’alarme parmi les négocians de Londres et de Liverpool. Sans vouloir exagérer le danger de cette compétition, qui n’est après tout que l’effet naturel de rentrée en scène d’une communauté aussi puissante et active que le jeune empire germain, on peut rappeler ici

  1. Voyez notre étude Métaux et Charbons dans la Revue du 1er novembre 1900.