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jugea convenable de publier à la suite l’un de l’autre, au mot Dessin, l’exposé de ces doctrines respectives faites par les deux auteurs[1]. On comprend l’embarras que durent éprouver les lecteurs de ce recueil, peu préparés à trancher un différend aussi délicat. Leur choix eût été difficile si le Conseil supérieur de l’Instruction publique, devant qui fut portée la question, ne l’avait, après un mur examen, résolue en faveur de la méthode prônée par M. E. Guillaume.

Les deux doctrines, d’ailleurs, ne sont point aussi opposées que primitivement on avait paru le croire. Sans entrer dans le fond même du débat, il nous semble que dans les conditions où il se produisait, et puisqu’il s’agissait d’enseignement élémentaire, la solution adoptée par le Conseil supérieur était la seule possible. Ne convient-il pas du remarquer tout d’abord qu’entre les préceptes extraits des écrits de Léonard, il y a lieu de distinguer ceux qui s’adressent à des artistes déjà faits et ceux qui visent surtout des débutans ? Plus que personne, — et nous croyons l’avoir assez montré ; par ce qui précède, — le maître s’est préoccupé de donner à la pratique de son art tout ce qu’elle comporte de certitude, à l’entourer de tous les secours que peuvent lui prêter l’expérience et la science. Un de ses soucis les plus constans a été de dégager des formes des objets réels que l’artiste se propose de représenter la géométrie cachée qu’elles contiennent, et de trouver en elle à la fois un soutien dans son travail et un moyen de contrôle qui permette d’en vérifier les résultats. Loin de croire qu’il risquait, en le faisant, de dessécher le sentiment et d’appauvrir l’imagination, il pensait que cette base solide donnée aux études de l’artiste et les exigences rigoureuses dont il contracte ainsi l’habitude avaient, au contraire, pour effet de le mettre en possession de toutes les ressources désirables pour exprimer plus fortement sa pensée. Mais l’enseignement élémentaire du dessin, le seul que comprenne l’instruction primaire, a des visées plus modestes et aussi mieux appropriées à la masse des écoliers qui sont appelés à le recevoir. Pas plus que l’enseignement de l’écriture et de l’orthographe n’a la prétention de former des littérateurs, l’enseignement élémentaire du dessin ne saurait concevoir l’ambition de faire des artistes. Sans décourager les vocations exceptionnelles qui peuvent se

  1. Dictionnaire de pédagogie, t. I, 1re partie, p. 671 et suiv.