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Elles secourent les pauvres et les misérables, les nourrissent, les abritent, pansent leurs plaies, si répugnantes soient-elles, guident les aveugles, tâchent de faire parler les muets, recueillent les paralytiques, sont au lit des pestiférés et servent les lépreux : — craindrait-on qu’elles ne tissent ainsi une intolérable concurrence à la nouvelle religion prêchée de si haut ?

Ces œuvres admirables, les congrégations religieuses les accomplissent parce qu’elles sont congrégations religieuses, c’est-à-dire parce que leurs membres, unis par le lien religieux, vivent en commun ; supprimez le lien et supprimez la vie commune, il n’y a plus rien, plus de congrégations, mais aussi plus d’œuvres. M. Trouillot, qui me parait avoir sur l’histoire et la situation des religions d’insuffisantes notions, écrit ces lignes au moins singulières : « Il ne semble pas que le culte protestant, dont la sphère d’influence dépasse cependant celle du culte catholique d’une façon assez sensible, ait besoin de recourir à ce moyen de prosélytisme pour étendre son action sur le globe, et qu’il ait souffert de ne point connaître ces établissemens ecclésiastiques qu’en dehors du clergé officiel, l’auteur du Concordat avait entendu supprimer. »

N’est-il pas permis de répondre au rapporteur que, contrairement à ce qu’il pense, le culte protestant a particulièrement souffert et souffre tous les jours de ce que par sa vertu propre il soit incapable de produire ces admirables dévouemens qui sont le suprême honneur du culte catholique, comme ils sont celui des associations chez lesquelles on les rencontre ; que dans les contrées lointaines où se fait la propagande de la foi chrétienne, quelle que soit la sphère démesurée d’influence qu’on attribue au protestantisme, il souffre du voisinage de ces hommes, Lazaristes, Frères des écoles chrétiennes, Franciscains, Frères de Saint-Jean-de-Dieu, Prêtres de la congrégation des Missions, qui, eux, ont tout quitté, ont renoncé à toutes les joies de la famille, se sont désintéressés de tout profil humain pour vouer leur vie tout entière à la propagation de la vérité et au service des cimes. Là-bas, que ce soit au milieu des peuplades barbares de l’Asie ou de l’Afrique, partout où il y a des missionnaires, on ne s’y trompe pas ; comment se fait-il que chez nous, centre et foyer de cette merveilleuse propagande par le sacrifice qui profite tant à notre patrie, ce foyer-là, bien loin de chercher à l’aviver, tous les efforts soient faits pour l’éteindre ?